Nabis rufusculus Reuter 1872

Nabis rufusculus Reuter 1872

La punaise demoiselle

François-Xavier DESSUREAULT, Hyacinthe GAUTHIER-BÉRUBÉ


Ordre: Hemiptera

Sous-ordre: Heteroptera

Infra-ordre: Cimicomorpha

Famille: Nabidae

Sous-famille: Nabinae

Tribu: Nabini

Genre: Nabis 

Sous-genre: Nabis


ATTENTION: Grâce à l’expertise et les commentaires de M. Roch (voir en bas), nous avons mis à jour l’identification de notre spécimen. Il s’agit de Nabis rufusculus et non pas de N. roseipennis comme on avait au paravant. Quelques-unes des phrases suivantes traitent encore de cette deuxième espèce. La biologie des deux espèces est très semblable.

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Nabis rugosus – Les espèces du genre Nabis sont généralement uniformes autant dans leurs mode de vie que l’apparence. Michael Becker 2006, CC BY-SA 3.0

Nabis rufusculus est un insecte de l’ordre des hémiptères (punaises), famille des Nabidae. On le retrouve dans une grande partie de l’Amérique du Nord, de la Colombie-Britannique au Colorado à l’Ouest, jusqu’à la Floride et les provinces maritimes à l’Est (Blatchley, 1926). Cette punaise prédatrice passe sa vie dans les herbes au bord de cours d’eau et de marécages, ainsi que sur des arbustes en lisière de forêts.

Historiquement, les espèces de la famille des Nabidae étaient regroupées avec une autre famille d’hémiptères, les Reduviidae, qui sont souvent nommés « punaises assassines ». Les réduves ont une apparence mais aussi un mode de vie très similaire aux Nabidae, et c’est en 1861 que Nabidae a obtenu le statut de famille (Schuh et al., 1995). Le genre Nabis a quant à lui été décrit par Latreille bien avant cette séparation, soit en 1802, et l’espèce N. rufusculus en 1872 par Reuter. 

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Reduviidae, Gaspar Alves 2012, CC BY-SA 3.0

Comme tous les hémiptères, N. rufusculus a des pièces buccales modifiées en forme de trompe, nommée rostre (Dolling, 1991). Il est articulé en sections, contrairement au proboscis, la trompe des lépidoptères (papillons) entièrement flexible. Le nombre de sections du rostre, 4 chez les Nabidae, est un des critères permettant de différencier avec les Reduviidae, qui compte seulement 3 articles (Borror et al., 1991). Le rostre est un appareil polyvalent qui sert à piquer les tissus des plantes ou des animaux pour en aspirer les substances nutritives, ce qui a contribué à la diversité des modes de vie chez les Hémiptères.

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Patte ravisseuse- noter les crochets sur l’intérieur du tibia

Nabis rufusculus est quant à lui un prédateur dit généraliste, capable de se nourrir d’une grande variété de proies, à un point tel que l’espèce adopte certains comportements pour réduire le cannibalisme. Ainsi, la larve est généralement située plus bas sur une même plante que l’adulte, probablement pour diminuer les chances de rencontres (Braman et al., 1989). En conditions de laboratoire, les larves doivent aussi être gardées séparément pour éviter qu’elles ne se mangent entre elles (Rensner et al., 1983). Outre ses propres congénères, les adultes et nymphes mangent une variété d’insectes à cuticule molle comme les pucerons, ainsi que des larves, des nymphes ou des œufs d’autres espèces (Henry et al., 1988). Les punaises prédatrices capturent généralement leurs proies à l’aide de leurs pattes dites “ravisseuses”. Comme celles des mantes religieuses, leur tibia et leur fémur des pattes prothoraciques (les pattes avant) sont dotés de crochets ou de poils pour retenir la proie entre ces deux segments de la patte (Dolling, 1991). Elles piquent ensuite avec leur rostre, injectent des enzymes pour digérer la proie de l’intérieur, pour ensuite aspirer le contenu avec ce même rostre. En conditions de laboratoire, Rensner (1983) a observé que N. roseipennis consommait en moyenne 4 à 5 cicadelles de la pomme de terre (Empoasca fabae) adultes en 24h; elle contribue donc à contrôler les populations de ce ravageur de plusieurs grandes cultures. Les Nabidae sont des prédateurs importants d’autres ravageurs, dont le ver de l’épi de maïs, Helicoverpa zea (Swenson et al, 2013), la teigne des crucifères, Plutella xylostella (Philips et al., 2014), et plusieurs espèces de pucerons (Chasen et al. 2014). Quelques cas de piqûres ont été répertoriés chez l’humain par des espèces du genre Nabis (Faúndez et Carvajal, 2011), mais pas N. roseipennis.  Contrairement à d’autres familles de punaises qui se nourrissent de sang, les Nabidae ne s’en prennent généralement pas aux vertébrés. Enfin, les Nabidae piquent parfois les végétaux pour s’y abreuver et compléter leur diète, lorsque les proies sont rares (Stoner A., 1972).

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Clasper de Nabis rufusculus

Lors de la reproduction, le mâle approche la femelle en émettant des stridulations similaires à celles d’un grillon, en frottant les tibias de ses pattes mésothoraciques (pattes du milieu). Au contact de la femelle, le mâle utilise ses claspers, deux structures situées de part et d’autre de l’abdomen du mâle. Similaire à des pinces, les claspers servent à retenir la femelle durant l’accouplement (Davies, 1988). C’est d’ailleurs la forme des claspers d’un individu, parfois asymétriques, qui est souvent le meilleur critère pour l’identification de nombreuses espèces de punaises, dont N. rufusculus qui peut être facilement confondue avec d’autre espèce du genre Nabis à l’allure très similaire (Larochelle, 1984). Les claspers plus large, en forme de fer de hache, distinguent ainsi N. roseipennis de N. rufusculus, dont les claspers sont plus étroits. [Voir commentaires en bas]

La femelle pond des œufs d’à peine 2 mm dans la tige des végétaux, avec seulement l’opercule servant d’écoutille visible à l’extérieur de la plante (Dolling, 1991). À l’éclosion, la larve pousse l’opercule et s’extrait de l’œuf avant d’effectuer une pause près du trou d’émergence. Cette pause permet à sa cuticule encore neuve de sécher et durcir. La larve ressemble beaucoup à un petit adulte sans ailes. Il y a cinq stades larvaux avant l’âge adulte, donc quatre mues successives au cours desquelles les futures ailes se développent avant la mue finale. Nabis rufusculus semble avoir une préférence pour les légumineuses comme site de ponte, du moins par rapport à d’autres grandes cultures; elle est donc fréquemment observée dans les champs de soja et de luzerne (Pfannenstiel et al., 1998) où les proies sont également abondantes. Il y a généralement deux pontes dans l’été sous notre climat québécois, après quoi les adultes, comme tous les Nabis, hibernent sous une litière de feuilles mortes (Dolling, 1991).

Référence

Blatchley, W. S. (1926) Heteroptera, or true bugs of eastern North America, with especial reference to the faunas of Indiana and Florida. The Nature publishing company, Indianapolis, 1136p.

Borror, D. J., White, R. E. (1991) Le guide des insectes du Québec et de l’Amérique du Nord. Broquet, Boucherville, 408p.

Braman, S. K., Yeargan, K. V. (1989). «Intraplant Distribution of Three Nabis Species (Hemiptera: Nabidae)., and Impact of N. roseipennis on Green Cloverworm Populations in Soybean». Environnemental Entomology, vol. 18 (2), 240-244

Chasen, E. M., C Dietrich, E. A. Backus, E. M. Cullen. (2014) «Potato Leafhopper (Hemiptera: Cicadellidae) Ecology and Integrated Pest Management Focused on Alfalfa», Journal of Integrated Pest Management, vol .5 (1) 

Davies, R. G. (1988) Outlines of entomology, Springer Netherlands, 408p.

Dolling, W. R. (1991) The Hemiptera, Oxford University Press, Oxford, 274p.

Faúndez, E. I., Carvajal, M. A. (2001) «A human case of biting by Nabis punctipennis (Hemiptera: Heteroptera: Nabidae) in Chile». Acta Entomologica Musei Nationalis Pragae, Vol 51 (2), p. 407-409

Henry, T. J., Froeschner, R. C. (1988) Catalog of the Heteroptera, or true bugs, of Canada and the continental United States. E. J. Brill and Leiden, New York, 958p.

Larochelle, A. (1984) Les punaises terrestres (Heteroptères: Geocorises) du Québec, Association des entomologistes amateurs du Québec. Québec, 513p.

Pfannenstiel, R. S., Yeargan, K. V. (1998) «Association of Predaceous Hemiptera with Selected Crops», Environmental Entomology, vol. 27 (2), 232-239

Philips, C. R., Z. Fu, T. P. Kuhar, A. M. Shelton, R. J. Cordero (2014) «Natural History, Ecology, and Management of Diamondback Moth (Lepidoptera: Plutellidae), With Emphasis on the United States», Journal of Integrated Pest Management, vol. 5 (3)

Rensner, P. E., Lamp, W. O., Barney, R. J. , Armbrust, E. J. (1983). «Feeding Tests of Nabis roseipennis (Hemiptera: Nabidae) on Potato Leafhopper, Empoascafabae (Homoptera: Cicadellidae), and Their Movement into Spring-Planted Alfalfa». Journal of the Kansas Entomological Society, vol. 56 (3), 446-450

Schuh, R. T., Slater, J. A. (1995) True bugs of the world (Hemiptera: Heteroptera) Classification and natural history. Cornell University Press, New York, 336p.

Stoner, A. (1972). «Plant feeding by Nabis, a predaceous genus.» Environnmental entomology, vol. 1 (5), 557-558

Swenson, Corn Earworms (Lepidoptera: Noctuidae) as Pests of Soybean», Journal of Integrated Pest Management, vol. 4 (2)