Lumineux coléoptères
Lumineux coléoptères
Article par Joanie Guillemet
(édité par Étienne Normandin)
Qui, lors d’une belle soirée de début d’été, n’a pas vu quelques petits points lumineux se balader dans les airs? Quel enfant n’a pas voulu en attraper pour se faire une lanterne…?
On a beau appeler cet insecte « mouche à feu », il s’agit en fait d’un coléoptère et non d’un diptère… Ces insectes appartiennent à la famille des lampyridae, une famille comptant plus de 2000 espèces, réparties de par le monde. Juste au Québec, on en compte neuf espèces différentes.
Ces fameux coléoptères que l’on nomme également lucioles, lampyres ou vers luisants sont fascinants parce qu’ils produisent une lumière froide, allant du jaune au vert, grâce à leurs organes lumineux, appelés « photophores » situés dans les derniers segments de leur abdomen.
La production de cette jolie lumière est complexe et fort utile pour cette famille de coléoptères.
On dit que pour produire une lumière d’intensité équivalente à une bougie, il faudrait environ 5000 lucioles bien actives.
D’abord, il faut savoir que cette lumière est produite par une chaîne de réactions dont l’oxydoréduction (réaction de substances au contact de l’oxygène). Il s’agit d’un phénomène complexe qui n’est pas uniquement propre aux lucioles. Plusieurs espèces vivantes sont bioluminescentes.
Brièvement, voici comment les lucioles produisent de la lumière. Comme mentionné précédemment, les photophores sont de petits organes qui tapissent l’extrémité de l’abdomen (derniers segments) de la luciole. De chaque côté de l’abdomen de la luciole, il y a des trachées qui permettent de faire entrer l’oxygène dans le corps de la luciole. Les photophores sont formés de cellules lumineuses appelées les photocytes. Ces cellules lumineuses sont groupées autour des trachées. À l’intérieur des photocytes, on retrouve de petits organites ; les peroxysomes. C’est à l’intérieur de ces peroxysomes que la protéine luciférine entre en contact avec l’enzyme luciférase. La réaction chimique qui en découle entraînera l’émission de photons et donc, de lumière!
Chimiquement, le « substrat » composé de luciférine, d’ATP et de magnésium (Mg2) entre en contact avec l’enzyme luciférase et l’oxygène. Le résultat de cette rencontre produit de l’oxyluciférine ( réaction d’oxydoréduction) et des photons, de même que de la luciférase. L’oxyluciférine, dans un état excité retournera à un état stable en produisant des photons (lumière) et en émettant du CO2.
Au Moyen-âge, bien avant de connaître l’explication scientifique de l’émission luminescente de la luciole, on pensait que la lumière produite par ces insectes était en fait l’expression de l’esprit des morts. Par peur, on vénérait ces insectes.
On sait maintenant que cette production lumineuse a plusieurs utilités.
Tout d’abord, il s’agit d’un moyen de communication qui favorise la reproduction. Les mâles, en vol, émettent un signal lumineux relativement faible. Les femelles de leur espèce leur répondent avec un signal plus intense. De plus, les mâles ont les yeux extrêmement sensibles à la lumière ce qui leur permet de trouver rapidement une partenaire disponible.
La reproduction se fait donc à la noirceur, au printemps et au début de l’été. Après l’accouplement, la femelle dépose ses œufs dans un endroit humide et meurt peu après. Quant au mâle, sitôt l’accouplement terminé, il meurt.
Il est également intéressant de savoir que chaque espèce a son propre signal lumineux. La luciole émet des molécules d’acide nitrique qui contrôlent l’interruption du signal lumineux et permettent de suivre le rythme propre à l’espèce.
On peut aussi considérer que c’est une stratégie d’alimentation. Les femelles attirent les mâles d’une autre espèce pour s’en faire un repas facile.
C’est également un moyen de protection – cette lumière annonce leur mauvais goût. Certaines larves et oeufs produisent également de la lumière, ce qui tend à confirmer cette hypothèse.
Un élément important consiste également dans le fait qu’une forte présence de lampyridae dans un milieu est un bioindicateur valable pour démontrer de la santé de l’environnement nocturne. La pollution lumineuse nocturne, l’utilisation d’insecticides et les dérèglements climatiques font malheureusement en sorte que les lucioles sont en voie de régression.
La prochaine fois que vous aurez la chance de voir des lucioles en période de reproduction, prenez le temps de contempler ce spectacle fascinant.
Pour en savoir plus :
http://bugguide.net/node/view/85
http://animals.nationalgeographic.com/animals/bugs/firefly/ (belles photos)
http://espacepourlavie.ca/insectes-arthropodes/lucioles
http://www.lesinsectesduquebec.com/insecta/24-coleoptera/lampyridae.htm
http://seq.qc.ca/mdi/ficheLuciole.html
http://tpe-bioluminescence.e-monsite.com/pages/1-a-reaction-entre-luciferine-et-luciferase.html
Gracci, Fiorenza. Science et Vie. D’où vient la lumière des lucioles. Avril 2014. http://www.science-et-vie.com/article/d-ou-vient-la-lumiere-des-lucioles-4945.
Keller, Gilbert-Andre et al. Firefly luciferase is targeted to peroxisomes in mammalian cells. May 1987. http://europepmc.org/backend/ptpmcrender.fcgi?accid=PMC304849&blobtype=pdf.
Vidéo intéressant :