Polistes fuscatus (Fabricius 1793)
«Guêpe à papier»
Par Gabriel VÁRADI et Sarah DUPONT (édité par Étienne Normandin)
Classification
Classe : Insecta
Ordre : Hymenoptera
Sous-ordre : Apocrita
Super-famille : Vespoidea
Famille : Vespidae
Sous-famille : Polistinae (Guêpe à papier)
Tribu : Polistini
Genre : Polistes
Sous-genre : Fuscopolistes
Espèce : fuscatus (Guêpe à papier du nord) (2)
Description et caractères clés
Le corps de P.fuscatus est très mince avec la taille caractéristique des Apocrita entre le premier et le deuxième métamère et sa longueur varie entre 15 et 21 millimètres (4). Il est en général de couleur brun très foncé, presque noir. Les marques de couleur sur l’abdomen et le thorax sont très variable en fonction de l’habitat, ce qui rend l’identification compliquée et est un des plus grands défi en ce qui concerne l’étude des Vespidae (3). La femelle possède un dard venimeux et la grande majorité des spécimens canadiens ont un corps intégralement noir (alors qu’ils ont un corps plutôt brun rougeâtre dans le sud). Le mâle est plus facilement reconnaissable par ses flagellomères (3) qui sont presque noirs, alors que chez les autres espèces semblables seule la partie dorsale est foncée.
Distribution géographique
Le territoire de Polistes fuscatus (qui regroupait Polistes Aurifer) s’étendait auparavant du sud du Canada jusqu’en Amérique centrale, en passant par l’intégralité des États-Unis. Aujourd’hui, des études (11) ont démontré que P. Aurifer n’est pas une sous-espèce de P.fuscatus, mais bien une espèce à part entière. P.fuscatus occupe donc les régions à l’est des Amériques jusqu’à la hauteur du Manitoba et de la Saskatchewan, où les deux espèces se chevauchent (11).
Habitat
P.fuscatus peut être retrouvée dans les forêts et les savanes (1), ayant en général une préférence pour les environnements boisés, le bois servant à la construction de son nid. On la retrouve également près des habitations humaines où elle a accès à des matériaux dont elle se servira pour bâtir le nid. Celui-ci sera généralement au-dessus du sol dans des endroits abrités (sous un toit, sous une roche) (3).
Identification
Ce spécimen récolté à la station biologique des Laurentides est fort probablement un mâle (confirmé par l’absence de dard). Les marques sur l’abdomen et le thorax nous ont mené sur la piste de P.fuscatus, mais comme celles-ci sont très variables, nous avons consulté une clé (6). Le caractère le plus important pour l’identification était les flagellomères complètement noirs, caractère qui a permis de réduire la recherche à quelques espèces. L’observation du clypéus (marqué de noir) a confirmé que le spécimen était bien de l’espèce P. fuscatus.
Développement
Les nids de P.fuscatus sont initialement construits par une ou plusieurs pondeuses préalablement inséminées. Celles-ci déposent les œufs dans des cellules individuelles où écloront des larves (1). De toutes les guêpes fondatrices, une seule restera pondeuse et deviendra la reine tandis que les autres s’occuperont à défendre et à nourrir la première génération de larves, qui deviendront les premières guêpes ouvrières du nid (5). À la fin de l’été, les mâles et les femelles s’accoupleront après que le nid ait été abandonné (les femelles attirent les mâles à l’aide de leur venin) et celles qui survivront à l’hiver formeront la prochaine génération de pondeuses (1).
Cliquez sur ce lien pour une vidéo sur la construction d’un nid de P.fuscatus.
Comportement
P.fuscatus est une espèce eusociale, bien que ce soit une sociabilité plus primitive comparée à la plupart des autres espèces d’insectes (fourmis, termites et abeilles). Alors qu’il est assez fréquent d’avoir une caste spécialisée de soldats pour la défense du nid, les guêpes à papier se contentent de reines et d’ouvrières, qui devront donc s’occupper elles-mêmes de la défense (4). L’étude de Judd a démontré que lorsque le nid est menacé, la reine réagit avec la plus grande aggressivité parce qu’elle a le plus important investissement dans le succès du nid (9). Ceci est une situation unique qui vient du fait que les colonies de P. fuscatus sont souvent de petite taille et n’ont pas de caste spécialisée en défense. Lors d’une attaque, il faut la participation d’un maximum de guêpes sinon le nid pourrait être détruit, forçant la reine à se joindre à l’effort. Les cofondatrices et ouvrières répondent à une menace avec plus d’aggressivité plus tard dans la saison puisque leur investissement augmente avec le temps (9). En effet, tôt dans la saison les cofondatrices et même les ouvrières pourraient potentiellement abandonner la reine et former leurs propres colonies (malgré que ce soit un phénomène rare), mais plus elles passent de temps dans leur colonie d’origine, plus elles auront un intérêt à veiller à son succès. Ainsi, les cofondatrices et ouvrières plus agées répondent à une menace avec autant ou presque autant d’aggressivité que la reine.
P. fuscatus a développé des stratégies pour maintenir la hiérarchie et l’ordre dans une colonie. Plusieurs études démontrent que non seulement les guêpes à papier peuvent reconnaître et discriminer entre leurs congénères et des individus conspécifiques étrangers, elles peuvent aussi reconnaître les individus au sein de la colonie grâce à leurs marques faciales (Tibbetts 2002; Injaian & Tibbetts 2014). Cette stratégie permet de maintenir la hiérarchie et de réduire l’aggressivité au sein du nid puisque chaque guêpe peut rapidement identifier le rang de toutes ses congénères et réagire de façon appropriée en adoptant une posture dominante ou soumissive, évitant ainsi de devoir réaffirmer son rang lors de chaque rencontre (8, 12).
La reine voit à la dominance de sa descendance en partie par l’aggression et l’intimidation envers ses cofondatrices (5). De plus, elle utilise un produit chimique pour différentier ses œufs de ceux déposés par les autres femelles pondeuses. Elle pourra ainsi aisément repérer ceux qui ne sont pas les siens et les manger. L’étude de Gamboa et Stump démontre que le conflit entre les cofondatrices atteint un pic juste avant l’émergence des ouvrières puisque celles-ci prendront le relai de leurs tâches et donc les cofondatrices ne seront plus nécessaires (7). Mais en même temps, lors de la période de ponte des oeufs destinés à la reproduction, la coopération entre la reine et ses cofondatrices augmente afin d’éviter que le nid ne soit laissé désert puisque c’est à cette période que le nid est le plus vulnérable à l’usurpation par une guêpe étrangère (7).
Les nids sont en général de petite taille et abritent environ cinquante guêpes (5). Ils sont caractérisé par un manque d’enveloppe protectrice, contrairement à d’autres genres de la tribu Polistini. Afin de pouvoir reconnaître rapidement tout intrus au nid, P.fuscatus utilise des phéromones spécifiques à chaque colonie, qui sont acquises dès la naissance. De plus, l’étude de Klahn et Gamboa a démontré que les reines peuvent reconnaître le nid de guêpes avec lesquelles elles partagent un lien de parenté. En effet, lors d’éxpériences d’échange de nids, les reines avaient plus tendance à accepter et à s’occuper de la progéniture d’une guêpe soeur tandis qu’elles détruisaient ou abandonnaient la progéniture d’une guêpe étrangère (10).
Écologie
Les guêpes à papier se nourrissent principalement du nectar des plantes, cependant l’espèce est considérée comme insectivore, car elle tue plusieurs petits insectes (notamment les chenilles) pour nourrir ses larves (1). Les adultes vont attendrir la chair en absorbant une grande partie du liquide de l’insecte, qu’ils régurgiteront ensuite pour nourrir les larves les plus jeunes alors que les plus matures mangeront la partie solide (4).
Comme les adultes se nourrissent du nectar des plantes, ils transfèrent le pollen des plantes et sont donc essentiels à leur reproduction (1). P. fuscatus n’a pas vraiment d’autres rôles écosystémiques d’importance, si ce n’est sa présence dans la chaîne trophique.
Références
(1) Animal diversity web. «Polistes fuscatus». En ligne. Page consultée le 02 novembre 2014.
(2) Bug guide. «Species Polistes fuscatus : Northern paper wasp». En ligne. Page consultée le 31 octobre 2014.
(3) Canadian journal of arthropod identification. «77. Polistes fuscatus (Fabricius, 1793)». En ligne. Page consultée le 31 octobre 2014.
(4) Encyclopedia of Life. «Polistes fuscatus». En ligne. Page consultée le 31 octobre 2014.
(5) Arévalo, E., Zhu, Y., Carpenter, J. M. et Strassman, J. E. 2004. « The phylogeny of the social wasp subfamily Polistinae: evidencefrom microsatellite flanking sequences, mitochondrial COIsequence, and morphological characters». BCM evolutionary biology, vol 4, no.8
(6) Buck, M., Marshall, S. A. et Cheung, D. K. B. 2008. «Identification Atlas of the Vespidae (Hymenoptera, Aculeata) of the northeastern Nearctic region». Canadian journal of arthropod identification, vol de février, no.5, p. 77
(7) Gamboa, G. J. et Stump, K. A. 1996. «The timing of conflict and cooperation among cofoundresses of the social wasp Polistes fuscatus (Hymenoptera: Vespidae)». Canadian Journal of Zoology (Revue canadienne de zoologie), vol. 74, no. 1, p. 70-74
(8) Injaian, A. et Tibbetts, E. A. 2014. «Cognition across castes: individual recognition in worker Polistes fuscatus wasps». Animal Behaviour, vol. 87, p. 91-96
(9) Judd, T. M. 2000. «Division of labour in colony defence against vertebrate predators by the social wasp Polistes fuscatus». Animal Behaviour, vol. 60, p. 55-61
(10) Klahn, J. E. et Gamboa, G. J. 1983. «Social Wasps: Discrimination between Kin and Nonkin Brood». Science, vol. 221, no. 4609, p. 482-484
(11) MacLean, B. K., Chandler, L. et MacLean, D. B. 1978. «Phenotypic expression in the paper wasp Polistes fuscatus (Hymenoptera : Vespidae)». The great lakes entomologist, vol. 11, no. 2, p. 26
(12) Tibbetts, E. A. 2002. «Visual signals of individual identity in the wasp Polistes fuscatus». Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, vol. 269, no. 1499, p.1423-1428