Vespula vulgaris (Linné 1758)
la guêpe commune
Par Antoine Asselin-Nguyen & Mélissa Le Guerrier (édité par Étienne Normandin)
Texte et images © 2014, CC BY-NC-SA 4.0 les auteurs
Classification :
Ordre Hymenoptera
Sous-ordre Apocrita
Famille Vespidae
Sous-famille Vespinae
Genre Vespula
Espèce Vespula vulgaris
Quand on pense au mot «guêpe», on pense aux piqûres douloureuses ! Les guêpes ont une connotation très négative : elles sont vues comme des insectes agressifs, car elles viennent perturber les activités récréatives humaines et peuvent causer des réactions anaphylactiques (allergiques) ou même parfois la mort. D’ailleurs, chaque année, deux à huit Québécois meurent après avoir été piqués par une guêpe ! Pourquoi ? Les espèces du genre Vespula sont attirées par le sucre et la viande, ce qui explique leur comportement envahissant lors des barbecues et pique-niques. Mais intéressons-nous un peu plus à la biologie de la guêpe commune…
Le 4 septembre 2014, un spécimen de Vespula vulgaris a été capturé à la Station de biologie des Laurentides de l’Université de Montréal.
Caractères à l’identification
Le spécimen possède les caractéristiques typiques de l’ordre des hyménoptères, telles que des pièces buccales broyeuses, des antennes avec généralement 9 segments ou plus, et une grande paire d’ailes antérieures liée à une petite paire d’ailes postérieures par des crochets (hamuli). La famille des Vespidés inclut les guêpes sociales, et la sous-famille des Vespinés comporte les «guêpes vraies» : ces guêpes sont les mieux connues. Elles ont une taille très mince (le pétiole de l’abdomen), un abdomen rayé noir et jaune, et des antennes à 12 (reine et femelles) ou 13 segments (mâles).
Toutefois, le critère important pour l’identification de l’espèce est une simple tâche noire ! Ce spécimen est sans aucun doute Vespula vulgaris puisqu’il possède la tache noire en forme d’ancre sur son clypéus, une caractéristique des guêpes communes. L’espèce a été décrite pour la première fois par le célèbre naturaliste suédois Carl von Linné en 1758.
Distribution géographique
Le genre Vespula tire son origine de l’Europe, et l’histoire montre sa nature très envahissante. Les colonies sont relativement petites, soit de seulement quelques milliers d’individus. L’espèce Vespula vulgaris se trouve dans la région holarctique, mais également à Hawaii, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Elle est très commune au Québec et dans le reste de l’Amérique du Nord.
Biologie et cycle de vie
Un individu
La guêpe commune fait une métamorphose complète. La reine dépose un oeuf par alvéole (cellule) du nid, qui suit une période d’incubation de quelques jours. La larve est de type asticot, avec une tête bien développée. Elle s’alimente de la nourriture qu’on lui apporte et croît dans son alvéole. Elle fait la nymphose en tissant un cocon de soie qui ferme l’alvéole, et passe ainsi au stade adulte. La jeune guêpe coupe alors la soie à l’aide de ses mandibules et devient un adulte fonctionnel de la colonie.
Une colonie
Dans les zones tempérées où on doit survivre à travers les mois de froid, une colonie est toujours amorcée par une reine solitaire qui s’est accouplée l’automne précédent et a passé l’hiver en état de torpeur (hibernation). Les reines des Vespinés hibernent seules dans le sol plutôt qu’en amas, et cherchent un endroit ou faire son nid dès le réveil. Au printemps, la reine construit un nid en papier, et pond des oeufs. Sa progéniture est des femelles stériles qui seront ouvrières à l’âge adulte. La reine s’occupe seule de la construction, du fourrageage (recherche de nourriture) et des soins d’une petite couvée de larves jusqu’à ce que les premières ouvrières émergent. Ensuite, la reine se spécialise uniquement dans la ponte et quitte rarement le nid. Les ouvrières s’occupent alors de nourrir les jeunes avec divers insectes mâchés afin d’agrandir le nid. Tout au long de l’été, il prendra de l’expansion à mesure que le nombre d’ouvrières augmente. Le nid est fait de papier: un mélange de bois mâché et de salive de guêpe. Il est parfois très gros, et on peut en voir suspendus aux avant-toits ou dans les arbres. À la fin de la saison chaude, la reine pond des oeufs qui produisent des femelles et des mâles fertiles, qui continueront à leur tour le cycle de vie d’une colonie l’année suivante ! Lorsque la saison froide arrive, toute la colonie et même la reine meurent, laissant seulement les nouvelles reines qui passeront à leur tour à un état de torpeur.
Il est intéressant de noter que dans les régions avec moins de fluctuations climatiques, les guêpes ont des colonies beaucoup plus grandes et sont beaucoup plus envahissantes (Australie, Nouvelle-Zélande), car il n’y pas de diminution de température qui cause la mort de la colonie. À vrai dire, la surabondance de Vespula vulgaris est très problématique dans ces pays : c’est par des traitements comme l’emploi de poussières toxiques et d’aérosols que les nids sont détruits et que les colonies sont éradiquées. De quoi profiter de pique-niques et barbecues en toute quiétude !
D’où vient ce goût pour le sucre et la viande et cette violence envers les humains ?
Au début de la saison, la nourriture des guêpes est surtout constituée d’insectes vivants et de miellat des pucerons tombés sur le feuillage. Cependant, vers la fin de la saison, lorsque les femelles fertiles naissent, il n’y a plus de cohésion dans la colonie et toutes les ouvrières sont désorientées. Celles-ci cherchent alors d’autres sources de nourriture comme des aliments sucrés et de la viande. Cela explique bien pourquoi c’est à la fin de l’été que les guêpes s’incrustent dans les activités humaines. Sans la nécessité d’agrandir le nid ou de nourrir les petits, ce sont ces ouvrières désorientées qui piquent si elles se sentent attaquées.
Et l’Homme devrait-il se défendre ? C’est à vous de juger, mais attention : sachez qu’une étude montre qu’en réponse à l’écrasement de l’appareil piqueur, une phéromone d’alarme est relâchée, ce qui causera d’autres guêpes du nid à venir à la rescousse ! Comme quoi il vaudrait mieux les laisser tranquilles…
Références
Borror, D.J., White, R.E. (1999) Les insectes de l’Amérique du Nord, Broquet, 408 pages.
Evans, H.E., Eberhard, M.J.W. (1973) The Wasps, David & Charles (Holdings) Limited, 265 pages.
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Reed, H.C., Landolt, P.J. (2000) Application of alarm pheromone to targets by southern yellowjackets (Hymenoptera : Vespidae), Florida Entomologist, Volume 83, pages 193-196