Araneus cavaticus (Keyserling 1881)

Araneus cavaticus (Keyserling 1881)

Par Zachary BÉLISLE et Félix HURTUBISE

Photos réalisées par Zachary Bélisle et Félix Hurtubise


Figure 1 : Araneus cavaticus

Le spécimen a été récolté à l’aide d’un filet à insectes à la Station de biologie des Laurentides de l’Université de Montréal, dans le sentier partant de l’hôtellerie et se dirigeant vers le lac Noir. Il était suspendu à un fil d’araignée près du tronc d’un arbre.


Classification

Embranchement : Arthropoda

Sous-embranchement : Chelicerata

Classe : Arachnida

Ordre : Araneae

Sous-ordre : Araneomorphae

Famille : Araneidae

Genre : Araneus

Espèce : Araneus cavaticus (Keyserling, 1881)


Identification

L’identification d’Araneus cavaticus dans sa classification contemporaine se base sur plusieurs critères morphologiques. L’identification de l’ordre est relativement simple, puisque l’absence de pédipalpes en forme de pinces, l’uniformité de la longueur des pattes, la grosseur des pattes ainsi que la séparation du corps en céphalothorax (prosome) et en abdomen (opisthosome) permettent de différencier les Araneae des autres Arachnides (Insect Identification.org, 2015).

Ensuite, il y a deux possibilités pour le sous-ordre: Araneomorphae et Mygalomorphae. Les caractères spécifiques à ces deux sous-ordres sont faciles à observer lors de l’identification. En effet, la principale caractéristique est l’orientation des crocs. Chez les Mygalomorphae, les crocs sont presque parallèles et ne se croisent pas; les chélicères sont en position orthognathe. Chez les Araneomorphae, les crocs se croisent; les chélicères sont en position labidognathe (Araneae, 2016). Les autres caractéristiques sont la grosseur de l’individu, où les Mygalomorphae, soit les tarentules et les groupes semblables, sont habituellement plus massifs, et la distribution géographique; il n’y a pas de Mygalomorphae au Canada. Il est donc possible de conclure qu’Araneus cavaticus fait partie du sous-ordre Araneomorphae.

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Figure 2: Orientation labidognathe des crocs chez Araneomorphae

La diversité des Araneomorphae est impressionnante: elle représente 93% des espèces de l’ordre des Araneae avec plus de 45 862 espèces réparties à travers le monde dans environ 114 familles (Rivera-Quiroz et al., 2016). Cette imposante diversité complexifie alors l’identification de la famille. Les clés d’identification fournies dans «Spiders of North America : an identification manual» (Ubick et al., 2005) et sur le site web d’«aranae», une communauté d’arachnologues européenne, ont permis de déterminer que A. cavaticus appartient à la famille des Araneidae. Cette famille est caractérisée la morphologie de la «tête» de l’araignée. La position des yeux médians en forme de trapèzoïde, la hauteur du clypeus qui est plus petite que deux fois le diamètre des yeux médians antérieurs et l’absence de stridulations sur la face latérale des chélicères sont des caractères clés pour l’identification. D’autres caractères morphologiques tels que la présence de trois griffes et l’absence de cribellum sont caractéristiques. De plus, la famille des Araneidae est aussi identifiable par leur apparence robuste avec leur pattes relativement courtes et épineuses et la forme caractéristique de leur toile: grande et circulaire, d’où leur nom commun anglais «Orb Weaver».

Tout comme la famille, la grande diversité des Araneomorphae rend l’identification du genre de notre spécimen difficile. À l’aide d’une clé d’identification regroupant les 65 genres d’Araneidae présents en Amérique (Levi, 2002), il a été possible d’associer notre spécimen au genre Araneus. Les caractéristiques clés présentées par la clé sont la forme ovale, voir ronde, de l’opisthosome, ainsi qu’un fort dimorphisme sexuel, où le mâle peut être de deux à quatre fois plus petit que la femelle. Le dimorphisme sexuel n’a pas été pris en compte considérant l’absence d’un spécimen mâle. Le genre Araneus peut souvent être confondu avec le genre Neoscona. En effet, les principales différences entre ces deux genres sont l’orientation des fovéas de la carapace (partie dure du prosome) et de la structure de l’épigyne, sur laquelle nous reviendrons plus loin. Le genre Araneus présente des fovéas en angle, tandis que le genre Neoscona présente une fovéa longitudinale.

Le genre Araneus comprend plus de 50 espèces communes répandues en Amérique du Nord (Bartlett, 2013). Les espèces les plus rencontrées sont Araneus cavaticus, A. trifolium, A. marmoreus et A. diadematus (Wegner, 2011). Selon le «Guide d’identification des Araignées (Araneae) du Québec» (Paquin et Dupérré, 2003), les principales caractéristiques à comparer pour identifier une espèce appartenant à ce genre est le motif dorsal et ventral, la position des pores sur l’opisthosome et la forme de l’épigyne. L’épigyne fait partie de l’organe de reproduction de la femelle et sert à guider le palpe du mâle. C’est une structure chez laquelle il est possible d’observer beaucoup de variation interspécifique; cette variation empêche la reproduction avec une autre espèce. Le motif ventral et la forme de l’épigyne ont été des caractères clés dans l’identification de notre spécimen, l’Araneus cavaticus.

 

Description externe

Comme pour la majorité des espèces de Araneidae, le mâle est plus petit que la femelle. En effet, la taille du mâle de A. cavaticus peut varier entre 10,8 et 14,8 mm tandis que celle de la femelle varie entre 15,0 et 18,8 mm (Paquin et Dupérré, 2003). Le corps et les pattes du mâle, tout comme le prosome et les pattes de la femelle sont de couleur brun foncé et sont recouverts de petites soies (poils) de couleur cendre. Les pattes portent des bandes de couleur jaunâtre. L’opisthosome de la femelle est plus pâle, allant du jaune au brun clair, et la face dorsale est recouvert de motifs de lignes brisées de couleur brun foncé de chaque côtés d’une médiane. La face ventrale de l’opisthosome de la femelle est caractéristique par sa large bande médiane de couleur brun foncé avec des bandes transversales discontinues de couleur jaune la traversant (Milne et Milne, 1980).

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Figure 3 : Face ventrale de l’opisthosome

 

Figure 4 : Vue dorsale de l’opisthosome

Sur notre spécimen, ce motif ventral s’apparente à une tête de mort, mais ce ne sont pas tous les individus femelles de A. cavaticus qui ont exactement le même motif.

 

Biologie de l’espèce

Mode de vie  

La toile est un élément indispensable pour nombreuses espèces d’araignées. Elle sert d’abri, d’instrument de chasse et de garde-manger. Les matériaux ainsi que les méthodes utilisées pour la construction des toiles dépend énormément de l’espèce. Chez les Araneidae du genre Araneus, la construction de la toile est fait de façon circulaire à l’aide de fils collants en reliant les rayons de fils non-collants partant du centre de la toile. La toile tissé pendant la nuit et elle est remplacée chaque nuit. Seule la femelle tisse une toile. Chez Araneus cavaticus, la femelle reste sur la toile une fois l’avoir tissée, mais s’éloigne au-dessus d’elle à l’aide d’un fil de soie le jour (Milne et Milne, 1980). 

A. cavaticus se nourrit d’insectes, principalement de Diptères et de Lépidoptères, qui se piègent au vol dans les fils collants de la toile. Ils sont ensuite mordus et enroulés de fils, afin d’être dévorés au moment opportun. On retrouve A. cavaticus partout où la structure permet la construction d’une toile et où des insectes passent régulièrement. Cette espèce a donc envahi de manière à peu près uniforme les forêts clairsemées, boisés, herbes longues et bâtiments de l’est du Canada et des États-Unis (nature.mdc.mo.gov).

Cycle de vie

Comme l’aire de répartition de Araneus cavaticus se situe dans des zones tempérées, la vie active s’effectue entre le printemps et l’automne, les adultes ne pouvant survivre aux gels. Les oeufs, pondus l’automne précédant, éclosent après les derniers gels printaniers libérant plusieurs jeunes araignées se dispersant dans la nature. La vie de larve consiste à chasser pour se nourrir, ce qui permet de grossir. La femelle, une fois sa maturité sexuelle arrivée, s’installe à un emplacement plutôt fixe et continue de se nourrir et de tisser en attendant la venue d’un mâle. Une fois l’accouplement effectué, la femelle continue de se nourrir sur sa toile afin de produire des sacs contenant les oeufs, qu’elle attache sur un support végétal à l’ombre. Les oeufs  écloront le printemps prochain (nature.mdc.mo.gov)     

 

Culture populaire

Charlotte’s Web

Araneus cavaticus est une espèce bien connue du public puisqu’elle est l’espèce à laquelle appartient Charlotte A. Cavatica, une araignée de grange commune, dans le classique de littérature jeunesse Charlotte’s Web écrit par l’auteur américain E. B. White en 1954 (mentalfloss.com).

Bibliographie

Araneae. (2016). Key To Families. Repéré à : http://www.araneae.unibe.ch/key

Bartlett, T. (2013). Genus Araneus. Repéré à : http://bugguide.net/node/view/1977

Insect Identification.org. (2015). Arachnid Key. Repéré à : http://www.insectidentification.org/arachnid-key.asp

Lanzendorfer, J. (2015). 10 Things You Might Not Know About ‘Charlotte’s Web’. Repéré à : http://mentalfloss.com/article/67639/10-things-you-might-not-know-about-charlottes-web

Levi, H. W. (2002). Keys to the genera of araneid orbweavers (araneae, araneidae) of the americas. Journal of Arachnology, 30(3), 527‑562.

Milne, L. et Milne, M. (1980). The Audubon Society Field Guide to North American Insects and Spiders. Alfred A. Knopf. New York. 989 pages ; pages 880-881.

Missouri Department of Conservation. Arboreal Orb Weavers. Repéré à : https://nature.mdc.mo.gov/discover-nature/field-guide/arboreal-orb-weavers

Paquin, P. et Dupérré, N. (2003). Guide d’identification des Araignées (Araneae) du Québec. Association des entomologistes amateurs du Québec. 251 pages; pages 42-43.

Rivera-Quiroz, F. A., Garcilazo-Cruz, U., & Álvarez-Padilla, F. (2016). Spider cyberdiversity (Araneae: Araneomorphae) in an ecotouristic tropical forest fragment in Xilitla, Mexico. Revista Mexicana de Biodiversidad, 87(3)

Ubick, P., Paquin, P., Cushing, P.E., Roth, V. et Dupérré, N. (2005). Spiders of North America : An Identification Manual. American Arachnological Society. 377 pages; pages 68-69.

Wegner, G. S. (2011). Spider Identification Guide. Repéré à :  https://ipminstitute.org/wp-content/uploads/2016/06/Spider-Guide-Wegner-BASF-Revised-12-2-14.pdf