Camponotus herculeanus (Linnaeus 1758)

Camponotus herculeanus (Linnaeus 1758)

The Great Carpenter Ant – La Grande Fourmis charpentière

Par Nora HALLOPÉ et Lucie LECOQ (édité par Étienne Normandin)

Texte et photographies ©2014 CC BY-SA 4.0, les auteurs

Camponotus herculeanus
Le spécimen a été capturé le 4 septembre 2014, à la Station des Laurentides, à Saint-Hippolyte, spécifiquement aux alentours du Lac Geai, une zone particulièrement humide

I. Identification du spécimen et morphologie 

L’identification de notre spécimen a été rendue possible grâce à une clé d’identification basée sur la caste des ouvrières (Aaron and al, 2012).

Dans un premier temps, les caractères morphologiques suivants nous ont permis de déterminer l’appartenance de notre espèce à la sous-famille des Formicinae :

1) Le gastre ne montre pas de resserrement visible, contrairement à la figure ci-dessous;

Figure 1 : Resserement visible du gastre  (Aaron and al., 2012)

2) Le pédicelle est en un seul segment seulement (figure 2.a.) et ne présente pas de post-pétiole (figure 2.b.)

Figure 2: Pédicel (a) et post-pétiole (b) d’une fourmi (Aaron and al., 2012)

3) On note la présence d’un orifice rond situé au bout du gastre et encerclé de poils: l’acidopore

4
Figure 3: acidopore (Aaron and al., 2012)

4) Notre individu possède des antennes à 12 segments ainsi qu’un gastre lisse et convexe portant des poils.

Ainsi, notre spécimen à pu être classé parmi un des huit genres de Formicinae: le genre Camponotus.

5) Au sein du genre Camponotus, plusieurs caractères morphologiques ont permis de faire la distinction parmi neuf espèces. Des microstructures sont apparentes, donnant un effet mat à la surface du corps. De petits poils courts, relativement clairs, dorés, dressés ou aplatis sont visibles et ne cachent pas les microstructures du gastre. Le mesosoma, le pédicelle ainsi que les pattes laissent entrevoir une couleur rougeâtre. Les antennes sont insérées au sommet du clypeus (sclérite délimitant la marge inférieure de la face). L’acidopore ne porte pas de poils longs et épais.

Photographie 2: Traits distinctifs de l’espèce Camponotus herculeanus

Le premier article des antennes, lorsque celles-ci sont dressées, ne dépasse que très peu le coin de la tête. C’est cette caractéristique qui nous a permis de distinguer Camponotus herculeanus de Camponotus pennsylvanicus. En effet, chez C. pennsylvaticus, le premier article des antennes, le scape, est plus long et dépasse largement le coin de la tête; chez cette espèce, les poils sur le gastre sont également plus longs, cachant les microstructures.

Photographie 3: Tête de Camponotus herculeanus

2. Classification:

Ainsi, notre individu appartient à l’espèce Camponotus herculeanus, selon la classification suivante:

Règne: Animalia

Embranchement: Arthropoda

Classe: Insecta

Ordre: Hymenoptera

Sous-ordre: Aprocrita

Famille: Formicidae

Sous-famille: Formicinae

Tribu: Camponotini

Genre: Camponotus

Espèce: Camponotus herculaneus (Linnaeus, 1758)

III. Petite histoire de fourmis

               a. Le genre Componotus:

Le genre Camponotus est l’un des groupes les plus diversifiés dans le monde; ce genre est plus connu sous le nom populaire de « Fourmis Charpentière ».  Plus de 1 600 espèces et sous-espèces de Camponotus ont à ce jour été décrites; elles comptent ainsi pour plus de 10% des fourmis répertoriées. En Amérique du Nord, on dénombre 50 espèces (Aaron and al., 2012).

               b. La socialité chez les Fourmis

Les fourmis sont distinguables des autres insectes certes par leur morphologie, mais surtout par les comportements sociaux complexes, apparus il y a 150 millions d’années, ce qui les distinguent d’un bon nombre d’insectes.

Les fourmis sont en effet eusociales (eu = vrai; vrai = socialité); elles forment des colonies pouvant aller de quelques dizaines à plusieurs millions d’individus. En effet, la fourmi est un insecte qui, par définition, ne peut vivre qu’avec ses congénères. La division des tâches induit une organisation rigoureuse des individus les uns par rapport aux autres afin que la fourmilière puisse fonctionner et se maintenir dans son environnement (3). Cette répartition précise des rôles constitue ce qu’on appelle les castes.

L’eusocialité est apparu plusieurs fois au cours de l’évolution des hyménoptères; on retrouve des comportements sociaux chez des lignées d’abeilles.

Les colonies chez Camponotus possèdent trois castes principales : les reines, qui sont généralement les plus grosses de toute la fourmilière; les mâles ailés, ne servant qu’à la reproduction, et les ouvrières, mesurant entre 6 et 13 mm de long. Au sein des fourmis, on trouve des genres dont le rôle des ouvrières peut changer selon les jours et les besoins de la colonie. Chez Camponus cependant, une fois que les oeufs éclosent, le rôle de la future ouvrière est déterminé et reste le même tout au long de la vie de l’ouvrière. Parmi les ouvrières, on trouve donc  différentes sous-castes, qui diffèrent selon la taille, leur apparence et leur rôle dans la colonie  (les majeures, les intermédiaires et les mineures). Les mineures sont plus petites, comme leur nom l’indique, et le sommet de leur tête est plus arrondi. Elles agrandissent le nid, s’occupent de l’élevage des larves et prennent soin des oeufs. Les majeures quant à elles, sont plus grandes et ont la partie postérieure de la tête angulaire. Elles assurent la protection et le ravitaillement des vivres pour la fourmilière. Les ouvrières assurent ainsi le maintien et le bon fonctionnement de la colonie. Elles n’ont pas la capacité de se reproduire et travaillent donc à toutes les activités autres qu’à la reproduction. Elles entreposent la nourriture, s’occupent des larves, défendent la colonie, tandis qu’une reine s’occupe uniquement du renouvellement des générations.

Entre elles, les fourmis entretiennent de nombreuses relations comme des léchages interindividuels et des échanges de bouche-à-bouche. Ce phénomène est appelé trophallaxie. C’est un mode de transfert de nourriture qui est rendu possible grâce à la présence de deux estomacs. Le premier est destiné à la digestion de l’insecte lui-même tandis que le deuxième estomac, ou jabot social, permet le stockage de nourriture. Celle-ci est ensuite régurgitée afin de nourrir les fourmis restées dans la colonie. La trophallaxie permet donc un échange d’aliments, mais aussi d’informations sur la source de nourriture trouvée. (4) Paradoxalement, la vie en groupe présente aussi des risques. Par exemple, cela peut accroître la transmission des parasites et des pathogènes. La proximité génétique entre les individus peut favoriser cette transmission (5).

c. Cycle de vie et reproduction

Pour ce qui est du cycle de vie, l’accouplement des Camponotus a lieu au printemps. Les jeunes mâles et futures reines sont ailés : la copulation a lieu en vol. La reine ne s’accouple qu’avec un seul individu qui décède après l’avoir fécondée. Ensuite, elle brise volontairement ses ailes et  part à la cherche d’un emplacement idéal pour y fonder sa colonie. C’est dans un tronc, une souche ou même dans la charpente d’une maison que la reine va pondre et s’occuper seule de la première couvée d’ouvrières. Elle n’assurera ensuite que la ponte quand les ouvrières seront capables de prendre soin des larves et des oeufs. Les larves ressemblent à de petits vers blancs. Elles passent par quatre stades larvaires, puis tissent un cocon afin de devenir une prénymphe, forme intermédiaire immobile; puis finalement une nymphe blanche et immobile (6). C’est seulement après quelques jours que l’adulte métamorphosé émerge et prend sa coloration plus ou moins noire et rougeâtre selon l’espèce.

D’après l’article sur les fourmis charpentières de «l’Espace pour la Vie» de Montréal, une fourmilière atteint les deux mille ouvrières et plus; soit en général de trois à six ans après la première ponte de la reine, on peut alors considérer que la colonie est bien consolidée. C’est à partir de ce moment que la reine donne naissance à des mâles et des futures reines. De nombreuses espèces donnent naissance aux nouvelles générations juste avant la période nuptiale. Chez notre «grande fourmi charpentière» cependant, les mâles ailés et les futures femelles sont produites à la fin de l’été et restent dans le nid à se faire nourrir par les ouvrières. C’est au printemps, vers le mois de mai que  toutes les fourmis ailées sortent du nid et s’envolent. Ensuite, le cycle des fourmis charpentières recommence. Les reines (et donc leur fourmilière) peuvent vivre plusieurs dizaines d’années, mais les ouvrières elles, ne vivent rarement plus d’un an, le temps d’une saison. (Aaron and al, 2012).

Figure 4: Cycle de vie des fourmis (Aaron and al., 2012)

               d. Particulartiés de Camponotus herculeanus

Habitat : Camponotus herculeanus est une espèce qui établit sa fourmilière principalement dans les arbres, d’où son nom de fourmis charpentières. On en retrouve également dans les troncs où les bûches en décomposition sur la terre ferme. Occasionnellement, il est possible d’apercevoir des fourmilières dans les charpentes de maison. Pourtant ces fourmis ne se nourrissent pas du bois dans lequel elles vivent, car elles sont incapables de digérer la cellulose. Elles creusent le bois uniquement pour se loger. (6)

Aire de répartition: Componotus herculaneus est présente presque partout sur la planète, à hautes latitudes. En Amérique du Nord, elle est présente partout à partir des états du nord des États-Unis, jusqu’au Canada, autant à l’est qu’à l’ouest. Il est possible de la trouver dans les territoires plus au sud des États-Unis mais à des altitudes plus élevées, là où les températures sont plus faibles.

Biologie de l’espèce : Elle est l’espèce de fourmis la plus tolérante au froid. En effet, elle peut survivre à des  températures bien inférieures à -40°C. Camponotus herculeanus se nourrit de miellat d’insectes (pucerons, membracidés), ainsi que des sucs de plantes. Ces hyménoptères sont également des décomposeurs et constituent un maillon important dans le recyclage de la matière organique des sols. Lorsqu’elles s’invitent à l’intérieur des habitations, les fourmis charpentières peuvent manger presque tout ce dont les humains se nourrissent et s’installer confortablement dans les charpentes (d’où leur appellation). Fait intéressant, plusieurs reines non reliées de parenté peuvent cohabiter dans le même nid. Habitant dans les arbres, les prédateurs de Camponotus herculeanus sont principalement l’ours qui se nourrit des larves et des nymphes durant l’été et l’automne, et plusieurs espèces de pics en hiver.

Photographie 4: Camponotus herculaneus dans un habitat potentiel (Aaron and al., 2012)

REFERENCES:

  1. Borror, Donald J. et Richard E. White. 1970.” Insects – The Peterson field guides”, Houghton Mifflin Compagny, 408 pages
  2.  Aaron M. Ellison, Nicolas J. Gotelli, Elizabeth J. Farnsworth, Gary D. Alpert, 2012  “Field Guide to the ants if new england”, Yale University Press, 398 pages
  3. Bauer S. , Berthaud M. , Jean I. , Sellos C. , 2008 – “Fonctionnement d’une colonie et importance du recrutement chez la fourmi Formica rufa”, Université Paris-Sud; http://hebergement.u-psud.fr/ecotp/paimpont/2009/02%20Fourmis.pdf
  4. Danival De Souza – « Comportement social et réponses immunitaires chez la
    fourmi Camponotus fellah : Implications de la bacterie
    endosymbiote Blochmannia », 2008 :  https://hal.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/359092/filename/These_Danival_de_Souza.pdf
  5. Wikipédia – « Trophallaxie » : http://fr.wikipedia.org/wiki/Trophallaxie
  6. Site internet de l’Espace pour la vie de la ville de Montréal : http://espacepourlavie.ca/insectes-arthropodes/fourmis-charpentieres