Draeculacephala portola (Ball 1927)

Draeculacephala portola (Ball 1927)

par Maureen Jouglain et Charlotte Farley-Legault

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Le spécimen a été capturé le 1er Septembre 2016, à l’aide d’un filet fauchoir à la station de biologie des Laurentides, à l’entrée du chemin menant au lac Corriveau.

Classification  

Embranchement : Arthropoda

Sous-embranchement : Hexapoda

Classe : Insecta

Ordre : Hemiptera

Sous-ordre : Auchenorrhyncha

Famille : Cicadellidae

Tribu : Cicadellini

Genre : Draeculacephala

Espèce : Draeculacephala portola (Ball 1927)

Le spécimen 

Draeculacephala portola mesure quelques millimètres seulement et est de couleur verte unie. Elles portent des ailes antérieures avec des nervures sous-apicales transversales et des nervures longitudinales distinctes à la base. La partie exposée de son mesonotum (ou mésothorax) ne contient pas de tâches. Les ocelles sont présentes sur le vertex et visibles de dos. Enfin, l’une de ses caractéristiques principales est la forme particulièrement allongée de sa tête.

Identification 

En se basant sur des caractères morphologiques tels que les pattes postérieures, on peut identifier la famille comme étant «Cicadellidae», qu’on surnomme plus familièrement les cicadelles. Il s’agit de la famille la plus importante en nombre d’espèces de l’ordre des Hemiptères. On les reconnaît à la modification de leurs pattes postérieures pour le saut. Le plus grand «sauteur» du règne animal est dans cette famille, parcourant plus de 40 fois la longueur de son corps. Le caractère le plus déterminant pour les reconnaître est la présence de deux rangées d’épines le long des tibias (Eaton et Kaufman, 2007). À la vue de la morphologie caractéristique de la tête du spécimen, on peut l’associer directement au genre Draeculacephala.

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Photographie de Draeculacephala sur laquelle on peut voir les fameuses rangées d’épines le long des tibias. (Photo : Charles Olsen, USDA APHIS PPQ, Bugwood.org, CC BY NC 3.0)

Draeculacephala signifie «tête de dragon». Ce genre est donc facilement reconnaissable par la tête et le profil en forme conique des ses individus.

Il est souvent difficile de distinguer les espèces de ce genre sans pratiquer de dissection car l’un des traits principaux permettant de les différencier se situe au niveau des organes génitaux, notamment de l’ovipositeur (Young et Davidson, 1959). On peut cependant isoler deux espèces qui semblent correspondre à ce spécimen. Premièrement en se basant sur les patrons de couleur. L’espèce Draeculacephala portola (Ball 1927) est caractérisée par un vertex d’un vert plus clair portant des marques linéaires. Le pronotum est également vert pâle autour des marges antérieures et latérales. Les élytres sont plus foncées avec un apex légèrement réticulé. Les nervures sont plus claires (Wilson et Turner, 2010). Une espèce très proche d’un point de vue morphologique est Draeculacephala minerva (Ball 1927). Les deux sont difficilement différentiables uniquement à l’aide de caractères morphologiques et les informations que l’on possède sont malheureusement trop faibles pour pouvoir les distinguer de manière fiable.

Néanmoins, si une hypothèse devait être formulée, opter pour l’espèce Draeculacephala portola (Ball 1927) serait plus juste en raison de la présence des marques linéaires sur la tête qui ne le sont pas forcément chez Draeculacephala minerva (Ball 1927).

Distribution géographique

Draeculacephala portola est une espèce très répandue sur le continent Nord Américain. On en trouve dans l’est du canada (Québec) aux états-unis (abondance au sud-est), en Amérique centrale jusqu’en Honduras et même à Hawaii où elle fut introduite (Wilson et Turner, 2010).

Biologie

Les Cicadellidae occupent divers milieux et vivent sur des plantes, souvent spécifiques aux espèces. Les Draeculacephala se nourrissent de la sève brute provenant des racines, transportée dans le xylème. Les espèces consommant ce fluide végétal pauvre en éléments nutritifs doivent s’en procurer de plus grandes quantités que les espèces qui consomment la sève enrichie du phloème. Puisqu’elle ne retrouve pas d’élément spécifique ou complexe dans son alimentation, Draeculacephala peut habiter et se nourrir d’une plus grande variété de plantes. D. portola se trouve généralement sur des plantes herbacées (Entomofaune du Québec, 2016).

On retrouve chez Draeculacephala portola la présence de «brochosomes», un trait unique à la famille des Cicadellidae. Ce sont des particules protéiques sécrétées par des glandes dans les tubules de Malphigi. Leur rôle reste encore mystérieux, mais il est induit qu’elles servent à protéger l’insecte d’un excès d’humidité. Ils le sécrètent par l’anus et l’étendent sur leur corps et parfois dans leur nid à l’aide de leurs pattes postérieures (Rakitov, 2002).

Cycle de vie

En période de reproduction, le mâle appelle sa compagne femelle en émettant des sons l’invitant à l’accouplement. Draeculacephala portola produit une nouvelle génération par année. La femelle pond ses œufs dans des tissus végétaux. Elle les dépose généralement entre deux couches d’épidermes d’une feuille à l’aide de son ovipositeur. La cicadelle passe à travers cinq stades larvaires avant d’atteindre sa forme définitive adulte. À chacune de ses mues, elle émerge de son enveloppe, appelée exuvie, avec des lobes alaires (bourgeons ou pterothèques) de plus en plus longs. Il est possible d’observer une importante différence de longueur des lobes des ailes entre le quatrième et le cinquième stade larvaire, dernier stade avant la mue finale en adulte. Une fois adulte, la cicadelle est temporairement en phase ténérale durant laquelle les couleurs définitives, typiques de son espèce, apparaissent (Entomofaune du Québec, 2016).

Transmission de virus aux plantes

Draeculacephala portola peuvent être vecteur de transmission de virus chez les plantes, engendrant des dommages écologiques et économiques. Il semblerait que cette espèce soit un vecteur du chlorotic streak virus affectant particulièrement les plantations de canne à sucre en Louisiane. Abbott et Ingram ont été les premiers à suspecter D. portola pour la transmission de ce virus en 1942, mais aucune étude n’a encore confirmé cette assomption (Nielson, 1968). D. portola peut également transporter le virus causant la maladie de Pierce chez les vignes en Californie et en Floride (Nielson, 1968). La maladie de Pierce (Pierce’s disease) provoque la formation de tyloses, soit des excroissances des cellules du parenchyme, et la déposition de gomme dans le xylème, menant à une dégénérescence de la plante infectée. En se nourrissant de la sève du xylème, Draeculacephala portola, et d’autres espèces de la famille des Cicadellidae, transmettent ce virus d’une plante infectée à l’autre: du gazon aux vignes. La maladie de Pierce est un problème qui a longtemps persisté dans les vignobles de Floride, causant d’importantes pertes monétaires (Stoner, 1952).

 

Bibliographie 

Eaton, E. R., & Kaufman, K. (2007). Kaufman field guide to insects of North America. Houghton Mifflin Harcourt.

Entomofaune du Québec inc. (2016). Les Hémiptères du Québec-cicadelles. http://entomofaune.qc.ca/entomofaune/cicadelles/index.htm (Consulté le 28 octobre 2016)

Nielson, M. W. (1968). The leafhopper vectors of phytopathogenic viruses (Homoptera, Cicadellidae) Taxonomy, biology, and virus transmission. (No. 1382). US Dept. of Agriculture.

Rakitov, R. A. (2002). What are brochosomes for? An enigma of leafhoppers (Hemiptera, Cicadellidae).

Stoner, W. N. (1952). A comparison between Grape Degeneration in Florida and Pierce’s Disease in California. The Florida Entomologist (Vo. 35, No. 2). Florida Entomological Society

Wilson M. R. & Turner, J. A. 2010. Leafhopper, Planthopper and Psyllid Vectors of Plant Disease. Amgueddfa Cymru – National Museum Wales. Available online at http://naturalhistory.museumwales.ac.uk/Vectors.

Young, D. A., & Davidson, R. H. (1959). A review of leafhoppers of the genus Draeculacephala (Vol. 1198). US Dept. of Agriculture.