Ichneumon feriens (Heinrich 1961)
Par Vanessa Charbonneau, Elena Neszvecsko et Alexis Trépanier
(Édité par Étienne Normandin)
Texte et photographies © 2015 CC BY-SA 4.0, les auteurs
Photos réalisées par Vanessa Charbonneau et Elena Neszvecsko
Le spécimen a été capturé au filet, le 3 septembre 2015, à la Station de Biologie des Laurentides, plus spécifiquement dans le sentier forestier menant au Lac Geai.
Classification
Embranchement : Arthropoda
Sous-embranchement : Hexapoda
Classe : Insecta
Ordre : Hymenoptera
Superfamille : Ichneumonoidea
Famille : Ichneumonidae
Sous-famille : Ichneumoninae
Tribu : Ichneumonini
Genre : Ichneumon
Espèce : Ichneumon feriens (Heinrich, 1961)
Identification
Afin d’identifier Ichneumon feriens, une espèce faisant partie du groupe paraphylétique des « Parasitica », de nombreux critères doivent être considérés. En effet, l’identification des espèces de la famille des Ichneumonidae n’est pas évidente, l’utilisation de clés d’identification spécifiques est donc requise.
En premier lieu, il est nécessaire d’identifier la superfamille de cette espèce. Pour y arriver, deux observations peuvent être faites. Tout d’abord, la superfamille des Ichneumonoidea est reconnue pour avoir des antennes d’au moins seize segments. De plus, les individus ont un trochanter bisegmenté. Si l’individu à identifier était une femelle, ce qui n’est pas le cas ici, un autre critère permettrait de reconnaitre que l’insecte est membres de cette superfamille. En effet, les femelles possèdent un ovipositeur s’élevant en face de l’apex de l’abdomen qui est bien souvent de la même longueur ou plus grand que le corps de l’individu (BugGuide, 2003-2014).
En deuxième lieu, il est nécessaire d’identifier la famille. Comme il a été mentionné plus haut, il est très difficile d’identifier un individu appartenant à cette famille. Ainsi, afin de faire une identification valide, il est primordial d’utiliser une clé d’identification formelle. Pour justifier que cet insecte fait bel et bien partie de la grande famille des Ichneumonidae, trois conditions doivent être respectées. Premièrement, la taille des membres de la famille des Ichneumonidae est comprise entre 3 et 60 millimètres (sans ovipositeur). Deuxièmement, les antennes doivent être au moins la moitié de la longueur de l’individu (voir Figure 1). Le dernier critère, et sans doute le plus important, est la fusion de la première cellule submarginale et de la première cellule discoïdale de l’aile. Ceci donne donc une cellule en forme de tête de cheval étant donné que les nervures sont incomplètes (BugGuide, 2003-2014) (voir Figure 2).
Figure 1 : Antennes faisant au moins la moitié de la longueur de l’individu.
Figure 2 : Cellule en forme de tête de cheval.
Troisièmement, les membres de la sous-famille des Ichneumoninae sont caractérisés par une coloration vive et par une cellule submarginale réduite sur l’aile antérieure, et ayant la forme d’un pentagone. En effet, le spécimen récolté est noir et jaune et possède également cette petite cellule pentagonale, ce qui nous permet de le classer dans cette sous-famille (voir Figure 3). Jusqu’à maintenant, la sous-famille des Ichneumoninae présente environ 400 genres répartis dans 16 tribus différentes et ayant une distribution géographique mondiale (BugGuide, 2003-2014).
Figure 3 : Petite cellule pentagonale.
l’identification d’Ichneumon feriens n’a pas été une tâche facile étant donné que plusieurs espèces de ce genre ne peuvent pas être distinguées morphologiquement. Six espèces sont très semblables les unes aux autres; I. zelotypus, I. subdolus, I. laetus, I. canadensis, I. annulatorius et I. feriens.
Figure 4 : Abdomen de l’insecte.
Finalement, dans notre cheminement vers l’identification de notre spécimen, il a été très difficile de départir entre Ichneumon anulatorius et Ichneumon feriens qui sont deux espèces ne pouvant pas être différenciées en se basant uniquement sur des observations morphologiques (Heinrich, 1961). En effet, les deux espèces possèdent de nombreuses ressemblances morphologiques dont voici des exemples flagrants: présence de bandes jaunes sur le propodeum, présence de large bande noire sur les tergites 1 à 4, antennes noires et tibias principalement jaunes (Heinrich, 1961) (voir figure 5,6 et 7). En raison de ces nombreuses similitudes, il est approprié de faire des analyses plus poussées afin d’identifier à l’espèce. Toujours selon Heinrich (1961), I. annulatorius possède les mêmes couleurs que notre spécimen, soit jaune citron et noir. Cependant, I. annulatorius possède deux lignes jaunes sur le mésoscutum qui ne sont pas présentes sur notre spécimen. Pour I. feriens, ses couleurs jaune pâle, presque ivoire, ne correspondent pas aux couleurs de notre spécimen qui sont plutôt jaune citron, mais I. feriens ne possède pas de lignes jaunes sur le mésoscutum tout comme notre spécimen (Heinrich, 1961) (voir figure 5).
Figure 5 : Thorax de l’insecte (identification des structures).
Figure 6 : Apparence générale d’Ichneumon feriens.
Figure 7 : Apparence générale d’Ichneumon feriens.
En somme, malgré les nombreux caractères morphologiques mentionnés précédemment , seulement deux semblent différer chez I. annulatorius et I. feriens. Il s’agit de la coloration jaune citron ou jaune ivoire et de la présence ou de l’absence de lignes colorées sur le mésoscutum. Grâce à ces dichotomies, il nous est possible d’avancer une hypothèse afin d’identifier notre spécimen. En effet, nous supposons que la présence ou l’absence de lignes jaunes sur le mésoscutum est un caractère d’identification plus fiable que la couleur, car elle serait plus encline à avoir une variabilité intraspécifique importante. Donc, suivant cette hypothèse, nous croyons que notre spécimen appartient à Ichneumon feriens.
Cycle de vie d’un parasitoïde
Les hyménoptères (guêpes, abeilles, fourmis et cie) sont de type holométabole, c’est-à-dire qu’ils font une métamorphose complète. Dans le cas d’un parasitoïde, il passe du stade de l’œuf à la larve, puis à la nymphe à l’intérieur de leur hôte et l’adulte ailé en émerge à la fin du développement. La grande majorité des espèces de la famille des Ichneumonidae sont des parasitoïdes des stades immatures d’insectes holométaboles. Toutefois, chez certaines espèces, les hôtes peuvent être des araignées, ou encore des pseudoscorpions, mais, jamais d’insectes hémimétaboles ou, de stade adulte d’insecte (Carlson, 2009). Le cycle de vie du parasitoïde s’oppose à celui du parasite puisque ce dernier ne cause habituellement pas la mort de son hôte. Dans le cas de la guêpe parasitoïde, elle pond un œuf à l’intérieur d’un insecte hôte et la larve se développe en se nourrissant de cet hôte et en entrainant ultimement sa mort. Cet aspect de la famille des Ichneumonidae fait d’elle une excellente candidate pour la lutte biologique, des avantages pour les secteurs de l’agriculture et de la sylviculture. Précisons que la lutte biologique est le fait d’utiliser un organisme vivant afin de contrôler ou de combattre un ravageur (Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2009). La famille des Ichneumonidés est d’ailleurs l’une des familles les plus utilisées en lutte biologique (Cournoyer, 2000). Précisément, le genre Ichneumon, auquel appartient notre espèce, est un endoparasite qui s’attaque à une variété de Lépidoptères lorsqu’ils sont au stade de nymphe (Tschopp et al., 2013). La majorité des Ichneumons ont une stratégie de développement de type idiobiontes, c’est-à-dire que la croissance de l’hôte est arrêtée, étant donné que l’individu est paralysé ou tué, tout juste avant que l’œuf ait été pondu à l’intérieur de l’hôte. Ceci est donc contraire aux koinobiontes, qui permettent à l’hôte de poursuivre son propre développement (Tschopp et al., 2013). Les idiobiontes sont habituellement généralistes et peuvent ainsi s’attaquer à une variété étendue d’hôtes.
Distribution géographique
La famille des Ichneumonidés est extrêmement diverse à travers le monde, comptant environ 60 000 espèces réparties en 27 sous-familles (Carlson, 2009). La grande diversité de cette famille peut être reliée notamment à leur mode de vie parasitoïde. Comme mentionné précédemment, ils sont des parasitoïdes de stade immature d’insectes. C’est justement chez les holométaboles, qui ont plusieurs stades immatures, que l’on retrouve les groupes les plus diversifiés tels que les Diptères, les Coléoptères et les Lépidoptères. Ces trois groupes représentent, en effet, la majorité des hôtes des Ichneumonidés. Il est donc possible de faire le lien entre la grande diversité de ces groupes, et celle des Ichneumonidés (Townes, 1971). Parmi les 27 sous-familles, seules les Agriotypinae et les Collyriinae ne présentent aucune espèce indigène en Amérique du Nord (Carlson, 2009). La faune Néartique d’Ichneumonidae comprend un peu plus de 8000 espèces dont seulement 35 % ont été décrites (Carlson, 2009). Selon Heinrich (1961), les espèces du genre Ichneumon seraient les plus nombreuses de la sous-famille des Ichneumoninés, contenant environ une centaine d’espèces dans l’est de l’Amérique du Nord, parmi lesquelles se retrouve notre espèce, Ichneumon feriens. Cependant, cette dernière ne se limite pas seulement à l’est de l’Amérique du Nord. En effet, Ichneumon feriens est présent tant dans les régions de l’est telles que le Maine, le Michigan, le New Hampshire, New York, le Nouveau-Brunswick, l’Ontario et le Québec que dans des régions centrales et de l’ouest telles que l’Alaska, l’Alberta, la Colombie-Britannique et le Manitoba (Heinrich, 1961).
Habitat
Étant cosmopolites, les Ichneumonidés sont présents à travers le monde, ils n’occupent cependant pas les déserts et très peu les prairies. Les espèces de cette famille préfèrent les milieux légèrement humides, telles que les forêts mixtes ou les prés en bordure de forêts (Hjelmeng, 2002). Cette préférence pour les milieux humides est due au fait que la plupart des adultes nécessitent une disponibilité quotidienne en eau. En effet, les adultes consomment seulement de l’eau en s’abreuvant de la rosée sur les feuilles. Il y a donc une relation très importante avec la disponibilité quotidienne en eau d’un milieu et la distribution des Ichneumonidés. Bien sûr, cela est vrai pour la majorité des espèces, mais il peut y avoir des exceptions où certaines espèces se sont adaptées pour être moins dépendantes d’une source d’eau quotidienne. Cette relation est si importante que contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette famille n’est pas attirée principalement par la présence d’hôtes dans un milieu, mais bien, par la présence de niches écologiques ayant les conditions adéquates (Townes, 1971). De par sa grande distribution géographique, Ichneumon feriens se retrouve aussi dans une grande variété d’habitat, tant dans les forêts caducifoliées que dans les forêts sempervirentes de l’Amérique du Nord (Heinrich, 1969).
Bibliographie
Agriculture et Agroalimentaire Canada (2009). Lutte biologique : se servir de la nature pour lutter contre les organismes nuisibles des cultures. In Agriculture et Agroalimentaire Canada. Publications du gouvernement du Canada. Repéré à http://dsp-psd.tpsgc.gc.ca/collection_2009/agr/A72-67-2009F.pdf
BugGuide.Net. (2003-2014). Family Ichneumonidae – Ichneumon Wasp. Repéré à : http://bugguide.net/node/view/150
Carlson, Robert W. (2009) Superfamily ICHNEUMONOIDEA Family ICHNEUMONIDAE. Discover Life. Repéré à http://www.discoverlife.org/proceedings/0000/6/html/Ichneumonidae.html
Cournoyer, Michel. (2000) Les insectes parasitoïdes et leur utilisation en lutte biologique. Concours de rédaction scientifique – Premier prix – Antennae. Vol 7 no.. Automne 2000. Repéré à http://seq.qc.ca/antennae/archives/v7n3p5.htm
Heinrich, G. H. (1961). Synopsis of Nearctic Ichneumoninae Stenopneusticae with Particular Reference to the Northeastern Region (Hymenoptera) Part III Synopsis of the Ichneumoni : Genera Ichneumon and Thyrateles. The Canadian Entomologist, XCIII (21), 209-368.
Heinrich, Gerd H. (1969) Synopsis of Nearctic Ichneumoninae Stenopneusticae with Particular Reference to the Northeastern Region (Hymenoptera). Le Naturaliste Canadien, 96(1), 935-963.
Hjelmeng, C. (2002). The Amazing Ichneumon. Repéré à http://mdc.mo.gov/conmag/2002/05/amazing-ichneumon?page=full
The American Entomological Institute (2002). Ichneumonid Morphology. Repéré à : http://www.amentinst.org/GIN/morphology.php
Townes, H (1971). Ichneumonidae as biological control agents. Communication présentée Proceedings Tall Timbers conference on ecological animal control by habitat management, No. 3, February 25-27 1971, Tallahassee, Florida.
Tschopp, Andreas, Riedel, Matthias, Kropf, Christian, Nentwig, Wolfgang, & Klopfstein, Seraina. (2013). The evolution of host associations in the parasitic wasp genus Ichneumon (Hymenoptera : Ichneumonidae) : convergent adaptations to host pupation sites. BMC evolutionary biology, 13(1), 74.