Misumena vatia (Clerck 1757)

Misumena vatia (Clerck 1757)

Par Christophe Benjamin et Catherine Pouchet

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Espèce Misumena vatia capturée au filet le 1er septembre 2016 à la Station de biologie des Laurentides. Ce spécimen a été trouvé sur Solidago sp. sur la rive du lac Cromwell.

Le nom binomial Misumena vatia tire son origine dans les langues grecques et latines. Misumena veut dire “objet de haine” en Grec ancien, probablement de par son aspect menaçant. Le terme vatia vient du Latin signifiant “aux jambes arquées” à cause de ses pattes à large amplitude2.

Identification

L’espèce Misumena vatia, dans la famille des Thomisidae, est facilement identifiable par plusieurs caractéristiques uniques. En plus de se déplacer sur le côté, les deux premières paires de pattes sont plus grandes que les autres et peuvent s’ouvrir très large afin d’agripper ses proies, d’où son nom plus commun “d’araignée crabe” 9.

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Figure 1 : Deux premières paires de pattes plus grandes que les autres et s’ouvrant largement

Il existe un dimorphisme sexuelle important chez cette espèce, puisque la femelle peut être deux fois plus longue et jusqu’à cent fois plus lourde que le mâle³. La femelle peut mesurer entre 6 et 9 mm de long, alors que le mâle mesure environ 3 mm. La femelle peut être de couleur blanche, jaune ou verte et a de larges bandes brunâtres sur les côtés de l’abdomen, alors que le mâle est de couleur beaucoup plus foncé allant du brun-rouge au noir9.

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Figure 2 : Détails de la large bande brune sur un des deux côté de l’abdomen

Pour identifier le genre Misumena, il faut aussi observer des caractéristiques plus subtiles de leur anatomie. Ces araignées ont deux rangées de yeux, dont celle du bas est légèrement recourbée vers le haut, et les yeux se situent à égale distance l’un de l’autre. Les yeux placés latéralement sont normalement plus grands que les yeux médians, qui sont leur paires de yeux principal pour leur vision11. Finalement, il est possible d’observer une rangée de poils épineux sous les tibias et les métatarses des deux premières paires de pattes9.

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Figure 3 : Deux rangées de yeux recourbées et yeux à égale distance
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Figure 4 : Épines sous le tibia et métatarse des deux premières paires de pattes

Distribution

Misumena vatia se retrouve partout au Canada et dans les 49 états continentaux américains. Au niveau mondial, M. vatia est une espèce holarctique, elle est donc retrouvée un peu partout dans l’hémisphère nord8. À une échelle plus petite, Misumena vatia est une espèce d’araignée répandue vivant sur une grande variété de plantes différentes, mais est abondamment retrouvée sur la verge d’or et sur les asclépiades. Lors de l’échantillonnage du 1er septembre à la Station de biologie des Laurentides de l’Université de Montréal, nous avons capturé au filet six spécimens sur une espèce de Solidago.

Biologie/comportement

Une des particularités des M. vatia est qu’elles ne tissent pas de toiles pour se nourrir, elles sont ce qu’on peut appeler des chasseuses à l’affût; elles se confondent avec leur environnement, attendant qu’une proie s’approche et seulement lorsqu’elle est suffisamment près, l’araignée tente de s’en emparer en se servant de ses deux paires de pattes les plus grandes5,8. Elles sont particulièrement efficaces dans ce type de chasse, car M. vatia a la capacité de changer la pigmentation de son corps pour mieux se camoufler; elles peuvent passer du jaune au blanc (ou du blanc au jaune) en l’espace de quelques jours, dépendamment de la plante sur laquelle elles se trouvent5. Cette technique, appelée l’homochromie est utilisée autant défensivement qu’offensivement par les araignées crabe; c’est-à-dire qu’elles l’utilisent pour éviter les prédateurs et pour être en mesure de mieux surprendre leurs proies5. Les femelles utilisent des patrons de coloration différents selon le spectre lumineux dans lequel les autres organismes qu’elles côtoient voient. Par exemple, les bandes rouges sur l’opisthosome de la femelle sont des signaux aposématique indiquant un danger pour les prédateurs, ces bandes font en sorte qu’elle est plus visible, mais elles avertissent les prédateurs d’un danger s’ils essaient de la prédater. Par contre, ces bandes ne sont visibles que dans le spectre de la lumière visible et elles sont invisibles dans le spectre UV. Les prédateurs de M. vatia, tels que les oiseaux, voient dans le spectre de la lumière visible alors que la plupart de ses proies voient dans le spectre ultraviolet6.

Les principales proies de M. vatia sont les bourdons (en terme de biomasse), les syrphides (en terme de fréquence), les abeilles et les hétérocères (papillons de nuit)8,10. Des études ont prouvées que les rendements de la chasse étaient supérieurs sur la verge d’or le jour et sur les asclépiades la nuit9. Toutefois, une étude démontre que si une abeille visite une asclépiades où une Misumena se trouve, l’abeille ne se fera attaqué que dans 10% des cas. De ce 10%, il n’y a que 10% de chance que Misumena attrappe la proie, ce qui, en moyenne, donne une chance de réussite de seulement 1%6. Le genre Misumena a un venin qui lui permet de paralyser ses proies, particulièrement les abeilles, pour qui le venin est très toxique, ce qui peut causer une diminution de la pollinisation des plantes où se retrouve fréquemment Misumena6.

Reproduction/cycle de vie

Il a été mentionné plus haut dans cet article que les araignées crabe ne tissaient pas de toile pour la chasse. Par contre, leur soie est très importante lors de la reproduction. Lors de leurs déplacements, les femelles laissent un fil de soie que les mâles pourront utiliser pour trouver une femelle avec laquelle s’accoupler. Ce processus est efficace, car une grande proportion des femelles sexuellement matures sont gravides (pleines d’oeufs) alors que la densité des individus est faible1. Les mâles sont les premiers à devenir sexuellement matures, car leur développement est raccourci; c’est également la raison pour laquelle ils sont plus petits3. Ils se mettent ensuite en quêtent du plus grand nombre de partenaires possibles pour finalement mourir peu après8. Certains mâles vont jusqu’à “garder” une femelle jusqu’au moment où celle-ci devient mature; il se la réserve en quelque sorte1. Après l’atteinte de la maturité, les femelles vont continuer de se nourrir le plus possible pour avoir l’énergie nécessaire pour la reproduction. En fait, 85 % de la masse de la femelle est ajoutée après l’atteinte de la maturité8. Les femelles vont mourir au début de l’hiver, après avoir pondu leurs oeufs dans une toile qu’elles auront tissées, les jeunes vont éclore moins d’un mois après avoir été pondus et ils hiberneront pour ensuite maturer au printemps comme leurs géniteurs l’ont fait avant eux8. Les individus sont donc annuels, ils ne vivent approximativement qu’une seule année.

Sources

  • Anderson, J. T., & Morse, D. H. (2001). Pick-up lines: cues used by male crab spiders to find reproductive females. Behavioral Ecology, 12(3), 360–366. https://doi.org/10.1093/beheco/12.3.360
  • Cameron, H. D. 2005. Chapter 73 — An etymological dictionary of North American spider genus names, page 73 in D. Ubick, P. Paquin, P.E. Cushing, and V. Roth (eds.) Spiders of North America: an identification manual. American Arachnological Society, Keene (New Hampshire).
  • Danchin, E., Giraldeau, L., Cézilly, F. (2005). Écologie comportemental. Paris : Dunod, p. 254.
  • Defrize, J., Théry, M., & Casas, J. (2010). Background colour matching by a crab spider in the field: a community sensory ecology perspective. Journal of Experimental Biology, 213(9), 1425–1435. https://doi.org/10.1242/jeb.039743
  • Dukas, R., & Morse, D. H. (2003). Crab spiders affect flower visitation by bees. Oikos, 101(1), 157–163.
  • Hinton, H. E. (1976). Possible significance of the red patches of the female crab-spider, Misumena vatia. Journal of Zoology, 180(1), 35–39. https://doi.org/10.1111/j.1469-7998.1976.tb04661.x
  • Inconnu. (13 mai 2014). Misumena vatia (Goldenrod crab spider). Repéré à http://www.spiders.us/species/misumena-vatia/
  • Mahmoud, M. 2002. « Misumena vatia » (On-line), Animal Diversity Web. University of Michigan, Museum of Zoology. http://animaldiversity.org/accounts/Misumena_vatia/
  •  Morse, D. H. (1981). Prey capture by the crab spider Misumena vatia (Clerck) (Thomisidae) on three common native flowers. The American Midland Naturalist, 105(2), 358–367. https://doi.org/10.2307/2424754
  • Teresita C. Insausti*, Jérémy Defrize, Claudio R. Lazzari, Jérôme Casas. (2012). Visual fields and eye morphology support color vision in a color-changing crab-spider. Arthropod Structure & Development, 41, 155-163. http://casas-lab.irbi.univ-tours.fr/insausti_2012.pdf