Anoplius tenebrosus (Cresson 1865)
Un travail par Elisabeth GUILLET-BEAULIEU et Lydia MAJOR
Texte CC BY-SA 2018, par les auteures.
Photographies prises par Elisabeth Guillet-Beaulieu ©2018 CC BY-SA 4.0
Anoplius tenebrosus
Ordre: Hymenoptera
Super-famille: Vespoidea
Famille: Pompilidae
Sous-famille: Pompilinae
Genre: Anoplius
__________________________________________________________
Identification/morphologie:
Ce spécimen peut être identifié comme étant de l’ordre des Hymenoptera, en raison de ses 4 ailes membraneuses, de ses pièces buccales de type broyeur-lécheur (A), de son cou mince et mobile et de son métathorax court. (1)
Il a par la suite été possible de déterminer que le spécimen capturé peut être aussi classé dans la super-famille des Vespoidea. Les Vespoidea sont caractérisés par des ailes antérieures longues, pouvant atteindre ou dépasser l’apex ou l’abdomen. Ils possèdent aussi un gastre (B), des antennes pourvues de moins de 16 articles et les ailes postérieures ont au moins une cellule fermée (C). De plus, leur ovipositeur est généralement très réduit et donc difficilement observable.
De plus, le spécimen s’avère être aussi un représentant de la famille des Pompilidae. Ces derniers sont caractérisés par des ailes postérieures possédant un lobe anal (D) et des cellules fermées, d’une cellule discoïdale (E) plus courte que la cellule sub-médiane (F) sur les ailes antérieures et des antennes de 12 articles chez la femelle (sexe du spécimen décrit). De plus, les coxas des Pompilidae sont larges et longs (G).
En ce qui concerne la sous-famille, le spécimen appartient aux Pompilinae. Les Pompilinae possèdent des métasomes assemblés sans séparations véritablement distinctes (H), leurs métatibias sont dépourvus de dents, il y a présence d’une dépression prononcée de la veine Cu-1 sur les ailes antérieures (I) et le labrum des Pompilinae est caché dans le clypeus.
Le genre Anoplius est reconnaissable par plusieurs attributs. Les Anoplius possèdent des pattes dites “épineuses” (J), la veine cu-a des ailes postérieures est dans un angle particulier (K), on retrouve une absence de pubescence sur le corps, le tergite apical est très fortement hérissé et la rangée d’épines retrouvée sur chaque tarse forme une ligne médiane.
Enfin, les caractéristiques ayant permis d’identifier le spécimen comme étant Anoplius tenebrosus étaient discrètes et difficiles à repérer. Premièrement, les épines du peigne tarsal ne sont peu ou pas plus longues que la largeur du tarse et le basitarse possède toujours 3 “peignes-épines”. De plus, le plat subgénital est totalement plat et derrière convergent légèrement les 2 carinae du disque. L’apex est arrondi de manière égale (L) et le digiti est arrondi apicalement.
L’identification de cette espèce s’est révélée ardue. En raison de plusieurs traits, très variés, certains observables uniquement au microscope, et de multiples exceptions existant au sein de ces taxons, il est nécessaire d’avoir recours à des outils spécialisés et à une grande patience afin de parvenir à identifier à l’espèce un spécimen de Pompilidae.
Famille des Pompilidae:
Les Pompilidae, une famille de l’ordre des hyménoptères et du sous-ordre des Apocrita, sont des guêpes arborant généralement des couleurs sombres, le corps étant typiquement noir et les ailes, brunes ou jaunâtres. Il est assez rare de retrouver des individus aux couleurs moins ternes, mais il existe cependant quelques espèces aux couleurs vives. Les Pompilidae sont asociaux, vivent de manière solitaire et ne rencontrent d’autres représentants de leur espèce que pour s’accoupler. Il existe plus de 5000 espèces de Pompilidae dans le monde, réparties sur tous les continents, mais on n’en retrouve qu’environ 300 en Amérique du Nord. Les Pompilidae possèdent deux paires d’ailes maintenues ensemble par des crochets, donnant l’impression d’en avoir qu’une seule paire. Les Pompilidae sont difficiles à identifier et il est nécessaire de recourir à des clés et autres outils d’identification spécialisés pour y procéder.
–Chasseuses d’araignées
Les femelles pompiles, lors de la période de reproduction, vont procéder à une chasse vicieuse d’araignées en tous genres. Qu’elles soient errantes, terricoles, à terrier ou à toile, les pompiles ont développé maintes spécialisations selon leurs proies de choix. Une fois sa cible repérée, la femelle pompile s’y attaque et la pique de son dard. (5) Le venin paralyse sa proie, qui sera destinée à accueillir l’œuf de la pompile. Afin de s’assurer de ne pas perdre sa proie après la capture, la pompile va procéder à l’excision des pattes de sa victime de sorte que cette dernière ne puisse fuir une fois capturée. Cette dernière transporte l’araignée tout juste attrapée soit en la traînant au sol, soit en vol par bonds successifs, jusqu’à son terrier. (6)
Le terrier en question constitue soit d’un ancien terrier abandonné par une autre espèce (ex: ver, petit rongeur, etc.) ou d’un trou creusé par la femelle elle-même ou par une autre femelle pompile. Elle y rangera l’araignée paralysée avant de pondre son œuf sur celle-ci et finira en rebouchant le terrier, gardant ainsi l’araignée à l’abris de la pourriture ou d’éventuels prédateurs.
En plus des aléas de la chasse s’ajoute comme défi le risque chapardage par d’autres pompiles. Il en existe 4 catégories. La première est le chapardage simple. Dans ce cas-ci, un pompile va simplement voler la proie d’un autre pompile alors que ce dernier la transporte ou la dépose lors de la construction du terrier. Vient ensuite le “cambriolage”. Dans ce scénario, le pompile déterre une araignée enterrée dans le terrier d’un autre pompile, détruit l’œuf déposé et s’empare de l’araignée pour son propre terrier. D’autres vont procéder à du cleptoparasitisme. La femelle va déterrer la proie d’une autre, détruire son œuf, y déposer le sien, puis enterrer de nouveau l’araignée, ni vu ni connu. Ces espèces ont perdu leurs capacités de prédation et de nidification. Enfin, on retrouve des cas de parasitisme. Dans ces cas-ci, la femelle va entrer en combat avec une araignée et pondre son œuf en son sein, pour ensuite se retirer du combat. L’araignée, si prédatée par une autre femelle pompile, se retrouvera éventuellement dans un terrier où la larve parasite va tuer la larve de la chasseuse, celle-ci prenant plus de temps à éclore. (5)
Genre Anoplius:
Les espèce du genre Anoplius sont des hyménoptères au métathorax strié transversalement et à l’abdomen entièrement noir ou bleu. Il s’agit, en Amérique du Nord, d’un genre très large et à l’identification complexe, que l’on retrouve dans une grande variétés d’habitats (ex: forêts tempérées, milieux humides, régions sablonneuse, etc.). Plusieurs sous-genres ont été créés au cours de l’étude des Anoplius, certains ayant cependant été discrédités plus tard, car invalides. Les caractéristiques typiques des représentant de ce genre varient énormément et entraînent une difficulté de reconnaissance importante. (4)
Par exemple, la taille moyenne des Anoplius varie sur une fourche de 3 à 30 mm de long. Les mandibules sont généralement ferrugineuses et apicales. La pubescence et la pilosité varient beaucoup d’une espèce à l’autre, quoique les les femelles sont sétoses ventralement au-delà du sternite apical. Les mandibules des femelles sont habituellement bidentées, avec quelques espèces unidentées, et les mâles ont habituellement des mandibules unidentées, avec quelques espèces aux mâles bidentés. L’espace malaire et le pronotum sont généralement très courts et un postnotum à la largeur variable. Les contours du propodeum peuvent être égaux ou protubérants postéro-latéralement. Le lobe anal de l’aile postérieure est habituellement petit, au plus équivalent en taille à la moitié de la cellule sub-médiane. (4)
Espèce A. tenebrosus:
Cette espèce émerge en mi-été. C’est l’une des plus commune parmi les Pompilidae au Canada. Les femelles vivent jusqu’en automne pour ensuite hiberner jusqu’au retour du printemps, alors que les mâles meurent après seulement quelques semaines, pendant lesquelles ils chassent et se reproduisent. Les mâles ne sont présents qu’entre les mois de juin et septembre-inclus. Anoplius tenebrosus vit dans des milieux sablonneux en lisière des forêts. Cette espèce se nourrit de plus de 25 espèces différentes d’araignées appartenant à 7 familles différentes. Leurs proies principales sont des Lycosidae, plus spécialement Trochosa terricola. Une seule araignée est généralement nécessaire pour le développement de la larve. (2)
Le transport de la proie capturée par la femelle A. tenebrosus s’effectue en deux étapes. Premièrement, alors que la femelle se dirige vers son terrier, elle trainera sa proie par derrière en utilisant la base de ses pattes postérieures et ses mandibules. Pour déposer l’araignée au sein du terrier, la femelle y entre tête première, puis pivotent au sein du terrier et en ressortent tête première. Elle attrape ensuite par la base du coxa, le pédipalpe ou de la partie distale d’une des pattes et la tire dans le terrier.
Les femelles hibernent dans leur terrier. Celui-ci a un angle d’environ 70 à 90 degrés par rapport au sol, le diamètre moyen de son entrée est de 5.6 mm et la profondeur moyenne est de 3.8 cm. La construction de leur nid prend approximativement 36 minutes dépendemment de la composition du sol, de l’humidité, de la température ambiante, de la grosseur de la proie et de l’âge de l’individu. Il a été observé que la fabrication de nid n’est effectuée que lorsque la température ambiante se situe entre 15 et 32 32 degrés Celsius. La femelle va ensuite fermer l’entrée du nid après avoir pondu un oeuf sur sa proie et l’avoir emmenée à l’intérieur (2). Le venin fait effet environ quatre heure (3).
Voici une vidéo A. tenebrosus:
Elle pond en moyenne 7 oeufs pendant la période de reproduction, lesquels auront une taille d’environ 1.0 à 2.4 mm et ils seront placés de façon oblique sur l’abdomen de l’araignée. À une température ambiante de 21° à 26° celsius, les oeufs vont éclore entre 2 et 3 jours après la ponte. Le développement de la larve et de la nymphe est d’une trentaine de jours chez les mâles et serait plus long chez les femelles (2).
Les femelles A. tenebrosus peuvent être attaquées par quelques espèces de Cicindèles: Cicindelis scutellaris lecontei, C. repanda et C. formosa generosa. Cependant, les attaques portées contre les A. tenebrosus sont souvent vouées à l’échec vu l’agressivité et la combativité de ces derniers, c’est pourquoi ils vont plutôt s’en prendre à la proie capturée et transportée par les femelles A. tenebrosus. En menant leur attaque, ils peuvent parfois parvenir à tuer ou à gravement blesser l’araignée paralysée par A. tenebrosus, la rendant ainsi inutilisable comme approvisionnement pour le nid de la femelle. Celle-ci va donc abandonner sa proie et devoir partir à la recherche d’une nouvelle, sans oublier, cependant, de s’en nourrir. (2)
Lorsque vient le commencement de l’automne, plutôt que de chasser, A. anoplius va plutôt se nourrir du nectar de fleurs du genre Solidago, un genre appartenant à la famille des Astraceae. Cette alimentation persiste jusqu’à la fin de la floraison de ces fleurs, soit jusqu’au mois d’octobre.
Références
- le Compte AL. Histoire naturelle des insectes, hyménoptères. volume 3. Paris. 1945. p. 442
2. Alm SR, Kurczewski FE. 1984. Ethology of Anoplius tenebrosus (Cresson) (Hymenoptera: Pompilidae). Proceedings of the Entomological Society of Washignton, 86(1): 110-119
3. Kurczewski FE, Kurczewski EJ. 1973. Host Records for Some North American Pompilidae (Hymenoptera). Third Supplement. Tribe Pompilini. Journal of the Kansas Entomological Society, 46(1): 65-81.
4. Evans HE. A Taxonomic Study of the Nearctic Spider Wasps Belonging to the Tribe Pompilini (Hymenoptera: Pompilidae). Part II: Genus Anoplius Dufour. Transactions of the American Entomological Society (1890-). volume 76. numéro 4. 1950.
5. Chevin H. 2005. Les Pompilidae, de rusés chasseurs d’araignées. L’Argiope, 48: 9-19.