Lambdina fiscellaria (Guenée 1858)

Lambdina fiscellaria (Guenée 1858)

L’Arpenteuse de la pruche ou Hemlock looper moth
par Émilie SANSCARTIER et Catherine OUELLET
Photographies prises par Catherine OUELLET

Texte et images ©2017 CC BY-SA 4.0, les auteurs

Photo 1. Spécimen capturé grâce à un filet fauchoir le 7 septembre 2017 sur le chemin menant au lac Gaie à la Station de Biologie des Laurentides, Québec, Canada.

Ordre: Lépidoptera

Famille: Geometridae

Sous-famille: Ennominae

Genre: Lambdina

Espèce: Lambdina fiscellaria (Guenée, 1858) [1]

Identification:

Avec ses deux paires d’ailes recouvertes d’écailles on reconnaît instantanément que ce spécimen fait partie de l’ordre très diversifié des lépidoptères. De plus, sa couleur terne et ses antennes composées donnant l’aspect de plumes font penser qu’il figure parmi les papillons généralement nocturnes ou crépusculaires.


C’est grâce à sa couleur d’un beige pâle, au point noir présent sur chaque aile et surtout aux deux lignes transversales des ailes que l’identification à l’espèce Lambdina fiscellaria a été faite [4]. Effectivement, même si la couleur des individus de cette espèce peut varier du beige pâle au gris pâle et que ce ne sont pas tous les spécimens qui présentent le point noir sur les ailes postérieures, tous ont une ligne extérieure traversant les deux paires d’ailes et une ligne intérieure traversant seulement l’aile antérieure. De plus, tous ont un point noir sur chaque aile antérieure. Ces lignes et ces points sont également toujours symétriques sur les deux ailes [4].

Photo 2. Vu de côté des ailes du spécimen. À remarquer: les lignes transversales sur les ailes et le point des ailes antérieures.
Photo 3: Vu de face du spécimen. À remarquer: la symétrie des lignes et des points sur les ailes ainsi que les antennes composées.

Le nom de la famille de Geometridea, dont il fait parti,  est un dérivé de l’ancien grec où “Geo” signifie terre et “metridae” réfère à la mesure métrique, donnant ainsi la signification « mesure de la terre ». Cela fait référence au mouvement lobés des chenilles de cette famille, faisant ainsi penser que la chenille mesure son chemin [2]. Ces chenilles arpenteuses se déplacent ainsi puisqu’elles n’ont que 3 paires de fausses pattes abdominales [3].

Photo 5: Chenille de Lambdina fiscellaria. Photo originalement publiée sur le site de Ressources naturelles Canada, selon l’avis de reproduction non-commerciale.

Par sa couleur et sa forme, Besma quercivoraria est une espèce très ressemblante à Lambdina fiscellaria. Il serait même très facile de les confondre, les deux faisant partie de la même famille. Cependant, Besma quercivoraria se distingue par des lignes longitudinales sur les ailes leurs donnant un aspect de « coquillage ». Également, Besma quercivoraria vole au début de l’été, tandis que Lambdina fiscellaria est observé en automne [5].

Photo 6 : Besma quercivoraria vu de dessus. À remarquer: les lignes longitudinales sur toutes les ailes. Photo par Andy Reago et Chrissy McClarren originalement publiée sur le site de Flickr, selon le code légal de Creative commons.
Photo 7: Photo de Lambdina fiscellaria. À remarquer: Absence de lignes longitudinales (contrairement à Besma quercivoraria)

Répartition géographique:

Lambdina fiscellaria est une espèce indigène de l’Amérique du Nord [6]. On le retrouve dans toutes les provinces du Canada ainsi qu’au Nord des états Unis [7]. Au Québec, il est présent dans toutes les régions, de préférence dans les boisés humides et frais de conifères, mais également dans les boisés mixtes et les érablières [4].   

Cette espèce n’est associé à aucun statut de précarité [8]. Elle est en fait très présente dans les forêts Canadiennes et est considérée comme un des plus importants défoliateurs de conifères du continent. Les épidémies apparaissent et disparaissent sporadiquement sur tout le territoire englobant le Canada et le Nord des États-Unis [9].  

Alimentation:

Les chenilles se nourrissent entre autres des feuilles d’arbustes et d’arbres, comme le bouleau et l’érables, ainsi que des aiguilles de plusieurs conifères, comme l’épinette blanche ou le mélèze laricin. Même si la chenille préfère le sapin baumier ainsi que la pruche du Canada, d’où son appellation « Arpenteuse de la pruche », elle peut se nourrir d’autres arbres, particulièrement lors de période épidémique[6].

Cycle de vie:

Pour l’Arpenteuse de la Pruche, la ponte a lieu entre la fin août et octobre, préférablement sur la mousse et le lichen qui recouvrent les arbres. Souvent, les œufs sont regroupés par deux ou trois. L’éclosion des œufs se produit au printemps, suite à l’éclosion des bourgeons de sapins. Les chenilles de Lambdina fiscellaria font du phototropisme positif, c’est-à-dire qu’elles vont être attirées par la lumière. Elles vont donc se diriger vers l’extrémité des branches ainsi qu’à la cime des arbres et vont commencer à se nourrir des épines de leur hôte. Tout au long du développement de la chenille, soit lors de ses différents stades larvaires, ses préférences alimentaires vont changer. Commençant par les bourgeons fraîchement éclos, puis se nourrissant des feuillages plus vieux arrivé aux derniers stades larvaires. Les chenilles mangent rarement une aiguille complètement, la laissant rougir, et montrant ainsi les traces de son passage. Suite à son développement larvaire, la formation de la chrysalide commence. L’adulte en émerge par la suite et sera présent de la fin août jusqu’à tardivement à l’automne. Inactif le jour, ce n’est que le soir venu que la recherche de partenaire s’entame. Une fois que le mâle trouve une femelle, le cycle recommence [10].

Impact environnemental

Comme mentionné plus tôt, Lambdina fiscellaria possède un fort caractère épidémique. Les infestations sont visibles grâce au rougissement des aiguilles des arbres atteints. Cela a pour conséquences de rendre les arbres les plus attaqués très vulnérables à d’autres facteurs environnementaux, comme les maladies, ce qui peut au final causer la mort des arbres.

Photo 8: Arbres attaqués par la chenille de Lambdina fiscellaria. La couleur rouge est causée par un broutage partiel des aiguilles. Photo originalement publiée sur le site de Ressources naturelles Canada, selon l’avis de reproduction non-commerciale.

Les infestations au Québec s’étendent habituellement sur une durée de 2 à 3 ans et sont espacées de 5 à 10 ans. La deuxième année est celle où la superficie affectée est la plus grande, mais il est rare que l’épidemie continue plus de 3 ans, car plusieurs variables tendent à la freiner naturellement. En effet, le manque de nourriture, les variations climatiques, la prédation, les maladies causées par des champignons et, principalement, l’attaque de guêpes parasitoïdes sur les oeufs au printemps permettent de diminuer les populations de chenilles et ainsi de réprimer les invasions de Lambdina fiscellaria [6][10].


Références:

[1] Itis species 2000, Catalogue of life. (2017). Species details : Lambdina fiscellaria Guenée, 1858. Consulté le 25 octobre 2017. URL: http://www.catalogueoflife.org/col/details/species/id/a7319bbd7ff84f98ac44ec0359b5d7f1

[2] Robin McLeod, John; Jane Balaban, Beatriz Moisset & Chuck Entz (2009). BugGuide, Family Geometridae – Geometrid Moths. Consulté le 25 octobre 2017. URL: https://bugguide.net/node/view/188


[3] Ephytia, INRA science et impact. (2017). Caractéristiques morphologiques de l’ordre Lepidoptera. Consulté le 27 octobre 2017. URL: http://ephytia.inra.fr/fr/C/7556/Insectes-Caracteristiques-morphologiques-et-biologie


[4] Handfiel, L. (1999). Le guide des papillons du Québec. Ottawa : Broquet inc. p.219-220 (planche 6888-1)

[5] University of Alberta E.H. Strickland Entomological Museum. Entomology collection (2017). Species page – Lambdina fiscellaria. Consulté le 26 octobre 2018. URL: http://www.entomology.museums.ualberta.ca/searching_species_details.php?s=4277

[6] Blogue de Conservation de Parcs Québec. Elles Arpentent Nos Forêts. Consulté le 27 octobre 2017. URL :https://www.sepaq.com/parcs-quebec/blogue/article.dot?id=d8852f74-e137-4a99-8afe-63e9b479b557.


[7] Gouvernement du Canada. (2014). Système d’information sur la biodiversité (SCIB). Consulté le 28 octobre 2017. URL: http://www.cbif.gc.ca/fra/banque-d-especes/papillons-nocturnes-du-canada/geometroidea-du-canada/systeme-canadien-d-information-sur-la-biodiversite-geometroidea-du-canada-index-l/?id=1370403266179

[8] The IUCN red list of threatened species. (2017). Consulté le 28 octobre 2017. URL: http://www.iucnredlist.org/search

[9] Berthiaume, R. (2007). Écologie évolutive des populations d’arpenteuse de la pruche (Thèse de Doctorat, Université de Laval). URL: http://theses.ulaval.ca/archimede/fichiers/24954/24954.html

[10] MFFP. L’arpenteuse de La Pruche. Consulté le 27 October 2017. URL : https://www.mffp.gouv.qc.ca/forets/fimaq/insectes/fimaq-insectes-insectes-arpenteuse-pruche.jsp