Aphrophora quadrinotata (Say 1830)

Aphrophora quadrinotata (Say 1830)

par Marilou DANIS et Laura KIENZLE

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Aphrophora quadrinotata mâle et femelle attrapés ensemble à la Station de Biologie des Laurentides le 1er septembre 2016 sur une feuille de Populus tremuloides près du stationnement

Classification  

Classe: Insecta

Ordre: Hemiptera

Sous-ordre: Auchenorrhyncha

Super-famille: Cercopoidea

Famille: Cercopidae

Genre: Aphrophora

Espèce: Aphrophora quadrinotata (Say, 1830)

 

Identification du spécimen

Afin d’identifier notre spécimen, il a d’abord fallu trouver l’ordre auquel il appartenait. Ce sont principalement le labium en forme de rostre et les pièces buccales en stylet qui nous ont permis de conclure que le spécimen attrapé faisait partie de l’ordre des Hemiptera. La famille des Cercopidae a ensuite pu être déterminée en observant les pattes métathoraciques portant des aiguillons, qui sont des appendices servant à la défense. Les pattes métathoraciques sont également plus longues que celles des deux autres paires de pattes (Hamilton, 1982). Par la suite, le spécimen a pu être identifié jusqu’au genre Aphrophora en observant les caractéristiques morphologiques telle que le patron de couleur.

L’identification de l’espèce a pu se faire en comparant la couleur et la morphologie du spécimen aux 6 espèces du genre Aphrophora que l’on retrouve au Québec. Pour nous aider, nous avons observé des spécimens présents dans la collection entomologique Ouellet-Robert de l’Université de Montréal. Il fut à ce moment difficile de déterminer si notre spécimen faisait partie de A. alni ou bien de A. quadrinotata. Des critères comme la tête plus longue au milieu qu’au niveau des yeux, le patron de coloration des ailes présentant deux bandes blanches de chaque côté de l’insecte, la taille des spécimens et les ailes antérieures plus larges au centre plutôt qu’à l’avant, ont permis de différencier les deux espèces et de conclure que notre spécimen était bien Aphrophora quadrinotata.

 

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Distribution géographique et habitat

La famille des Cercopidae compte environ 1 500 espèces décrites à travers le monde dont seulement 36 sont trouvées au Canada et 18 au Québec (Hémiptères du Québec, 2008). Il existe un total de 6 espèces du genre Aphrophora au Québec dont A. alni qui est une espèce introduite d’Europe (Hémiptères du Québec, 2008). On retrouve Aphrophora quadrinotata dans l’est des États-Unis et le sud-est du Canada (Hamilton, 1982). 

Les larves de A. quadrinotata sont retrouvées sur une grande diversité d’herbacées. Les adultes, pour leur part, sont retrouvés sur l’aulne rugueux, le chêne, les herbacées à larges feuilles, le noisetier à long bec, le ronce hispide et le peuplier (Hemiptères du Québec, 2008). C’est justement sur une feuille de peuplier faux-tremble que nous avons capturé nos spécimens adultes.

Biologie et comportement

Dans la famille des Cercopidae, la larve se développe entourée d’un amas mousseux aussi appelé « crachat du coucou » que l’on retrouve principalement à l’intersection de la tige et de la feuille. Cette substance est sécrétée par l’anus de la larve et est mélangée avec des sécrétions des glandes hypodermiques au niveau de l’abdomen (Guilbeau, 1908). Puis, des bulles d’air sont produites suite à des contractions abdominales par le canal aérifère de la larve (Hémiptères du Québec, 2008). Cet amas mousseux pourrait permettre aux larves d’éviter la dessiccation et de se protéger des prédateurs (Alford, 2002). Cependant, cela peut également représenter un désavantage puisque certains insectes parasites, comme certains Encyrtidae, ont développé une capacité à repérer ces amas mousseux dans la végétation (Hamilton, 1982). Une fois l’amas repéré, ils pondent leurs œufs sur la larve qui s’y cache (Boucher, 2008).

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Amas mousseux produit par la larve. Auteur:  Pollinator,  fichier, License: CC BY-SA 3.0. Source.

Les larves et adultes sont phytophages. Ils se nourrissent de la sève brute des plantes à l’aide de leurs pièces buccales en forme de stylet qui permettent de percer les tissus végétaux et de sucer le liquide interne. Le fait de piquer pour se nourrir et pour pondre les œufs cause certains dommages aux végétaux. Ces lésions dans le tissu végétal peuvent, par exemple, permettre l’infiltration de phytopathogènes à l’intérieur de la plante (Hamilton, 1982).

Pour ce qui est des déplacements, il semblerait que les larves, malgré leur protection dans l’amas mousseux, n’hésitent pas à quitter celui-ci lorsqu’elles considèrent que les ressources en nourritures sont insuffisantes. Également, on peut retrouver plusieurs larves regroupées au sein d’un même amas mousseux. Les adultes, pour leur part, sont plutôt stationnaires. Leur coloration permet un excellent camouflage et au besoin, leurs longues pattes métathoraciques leur permettent de sauter pour se sauver lorsque dérangés (Hemiptères du Québec, 2008). Lors de la capture, les spécimens ont été placés dans un sac de plastique dans lequel nous avons pu observer leur puissance de saut. De plus, pour ce qui est du contrôle naturel de ces insectes, il semblerait que les adultes du genre Aphrophora soient parfois contaminés par le champignon Entomophthora aphrophora (Hamilton, 1982).

 

Cycle de vie

Chez Aphrophora quadrinotata, la période d’accouplement a lieu à la mi-août et s’intensifie en septembre. En automne, la ponte des œufs par la femelle aura lieu. Elles pondent près de 35 œufs en moyenne. Ces œufs sont insérés dans les tissus de la plante à l’aide de l’ovipositeur de la femelle. (Hémiptères du Québec, 2008). Puis, c’est à la fin du printemps, plus précisément au début du mois de mai, que les œufs vont éclore. Les larves qui en sortent passeront par 5 stades larvaires différents avant de passer au stade adulte. Les stades larvaires se déroulent dans l’amas mousseux produit par la larve et durent environ 2 mois (du début mai à fin juin).

Étant hémimétaboles, les larves subissent une métamorphose vers le stade adulte une fois leur cinquième stade larvaire atteint. Celle-ci se déroule au début du mois de juillet, en dehors de l’écume. Une fois la métamorphose terminée, l’adulte a une durée de vie de 20 à 30 jours en moyenne (Matsumoto, 1988). Il se reproduit vers la fin de l’été, puis le cycle recommence. Ces informations correspondent bien aux observations faites le 1er septembre à la Station de Biologie des Laurentides. En effet, les spécimens capturés étaient en train de se reproduire sur la face inférieure d’une feuille de peuplier.    

 

Bibliographie

Alford, D. V. (2002) Ravageurs des végétaux d’ornement: arbres, arbustes, fleurs. Institut national de la recherche agronomique. p.26-27

Boucher, S. (2008) Les insectes de nos jardins. Repéré à http://www.insectesjardins.com/Cercopidae.htm

Guilbeau, B. H. (1908) The Origin and Formation of the Froth in Spittle-Insects. The American Naturalist. 42: 783-798

Hamilton, K. G. A. (1982) The Insects and Arachnids of Canada : Part 10. p.46-47

Hémiptères du Québec (2008) Les cercopes. Repéré à http://entomofaune.qc.ca/entomofaune/cercopes/index.htm

Matsumoto, K. (1988) Seasonal Patterns in the Adult Population of Pine Spittlebug, Aphrophora flavipes (Homoptera: Cercopidae) with Special Attention to the Dispersal during the Reproductive Period. Applied Entomology and Zoology. 23: 22-34