Platydracus violaceus (Gravenhorst 1802)  

Platydracus violaceus (Gravenhorst 1802)  

Virginie JUTEAU et Dominique MARULLO-MASSON

Texte et photographies © 2017 CC BY-SA 4.0, les auteurs

Figure 1. Vue dorsale du stade adulte de l’espèce Platydracus violaceus

Spécimen attrapé à la Station de Biologie des Laurentides en date du 7 septembre 2017. Le spécimen, prélevé de jour en milieu humide, reposait inactif sous une souche d’arbre en décomposition. Lors de son échantillonnage à la main, le spécimen exposait un comportement dissuasif en vibrant et en remuant l’abdomen comme pour piquer.  

Classification

Selon la clé de l’article Staphylinidae of Eastern Canada and Adjacent United States (Brunke et al. 2011)

Classe : Insecta
Ordre : Coleoptera (Linnaeus, 1758)
Sous-ordre : Polyphaga  (Emery 1886)
Infra-ordre: Staphyliniformia (Lameere 1900)
Super-famille : Staphylinoidea (Latreille 1802)
Famille : Staphylinidae (Latreille 1802)
Sous-famille : Staphylininae (Latreille 1802)
Tribu : Staphylinini (Latreille 1802)
Sous-tribu : Staphylinina (Latreille 1802)
Genre : Platydracus  (Thomson 1858)
Espèce : Platydracus violaceus (Gravenhorst 1802)

L’ordre des coléoptères, représentant 40 % de toutes les espèces d’arthropodes décrites et dont le nombre d’espèces existant est estimé à 1,5 million, regroupe de nombreuses familles, dont celle des Staphylinidae (Stork et al., 2015). Comptant parmi plus de 55 440 espèces décrites et regroupées dans plus de 3200 genres, la famille des  Staphylinidae constitue l’une des plus grandes familles de coléoptères (Grebennikov et al., 2009). Alors que l’histoire fossile de ce groupe remonte à quelque 200 millions d’années, ce sont, à ce jour, près de 400 nouvelles espèces qui sont encore mondialement répertoriées par an. En Amérique du Nord, la famille des Staphylinidae, regroupant près de 4100 espèces à travers 523 genres, forme la plus grande famille de coléoptère présente en ces territoires (Arnett et al., 2001).

Biologie de l’insecte

Morphologie générale de la famille des Staphylinidae

La famille des Staphylinidae se distingue facilement des autres familles de coléoptères par leur corps allongé, linéaire et souple ainsi qu’à leurs élytres, très raccourcis, laissant à découvert la plus grande partie de l’abdomen : de 3 à 6 segments abdominaux sont laissés à découvert. Sous ces élytres se trouvent des ailes bien développées conférant à cette famille une bonne capacité de vol (Chagnon et al., 1962). Bien que la famille soit confondue avec l’ordre des dermaptères, les Staphylinidae ne portent pas de pinces à la pointe de leur abdomen et possèdent des antennes de 11 segments ou moins  (Klimaszewski et al. 1996).  Leurs petits corps, mince et étroit, ainsi que leur abdomen, flexible, permet aux Staphylinidae de coloniser des habitats telle la litière, inaccessible à des organismes plus robustes et moins flexibles. Bien que certaines espèces possèdent des couleurs vives aux reflets métalliques, la majorité des Staphylinidae, dont la taille varie entre 0,7 mm et 25 mm, présentent des couleurs plutôt sombres (marron et noir) se fondant à celles de la canopée (White 1983). La plupart des espèces, lorsqu’inquiétées, adoptent un comportement dissuasif en relevant et remuant leur abdomen comme pour piquer : ces espèces sont pourtant inoffensives, bien que certains sous-groupes de la famille possèdent des glandes abdominales et des produits chimiques défensifs (Cline 2011).

Écologie

Aussi appelés « Rove Beetles« , les Staphylinidae sont parmi les coléoptères les plus performants quant à leur capacité à coloniser une grande variété d’habitats. Quoique pauvrement représentés en milieux aquatiques, ceux-ci sont communs dans tous les biomes. Alors que certaines espèces se retrouvent en milieux forestier, d’autres encore habitent les forêts tropicales, la toundra arctique ainsi que les régions alpines et les habitats océaniques intertidal et sublittoral tels les tourbières, les marais et divers autres milieux humides (Campbell et al. 1991). Or, c’est environ la moitié de toutes les espèces de Staphylinidae qui vivent en milieux forestiers. Celles-ci possèdent un large éventail d’habitats allant du long des rivages à la litière du sol,  du dessous de l’écorce des arbres aux matières stercoraires et des cadavres. D’autres encore se retrouvent sur  les champignons et les fleurs ; certaines espèces, myrmécophiles ou termitophiles, vont même jusqu’à habiter les fourmilières et les termitières de fourmis et de termites. Le cycle de vie de ces espèces, dont la plupart surviennent dans le sol, fait de cette famille l’une des plus importantes de la pédofaune (Newton et al. 1990). La plupart des espèces contenues dans la famille des Staphylinidae évitent tous contacts directs avec la lumière et sont généralement nocturnes, ce mode de vie offrant une protection plus grande contre la prédation et la dessiccation (Klimaszewski et al. 1996).

Ils sont d’agiles prédateurs généralistes se nourrissant d’une grande variété d’arthropodes et d’invertébrés terrestres. Certaines espèces sont cependant spécialisées pour s’attaquer spécifiquement à certains groupes d’insecte. D’autres encore sont saprophages et ont pour ressources alimentaires diverses matières en décomposition ; algues, pollen et inflorescences florales. D’autre encore sont phytophages et se nourrissent d’organismes vivants, tels les champignons, desquels ils se nourrissent des hyphes et des spores (Cline 2011).

Figure 2.Vue dorsale des setae, poils qui ont pour fonction de faciliter le déplacement de l’espèce grâce à une meilleure adhérence au substrat.

Où retrouve-t-on l’espèce Platydracus violaceus

Platydracus violaceus est une espèce habitant les milieux forestiers. Elles habitent autant les milieux humides qu’offre la canopée et la litière, autant ceux offerts par le dessous de l’écorce de feuillus morts, tels les chênes, les marronniers et les érables. Quoiqu’il soit aussi possible de les retrouver sous l’écorce des pins blancs ainsi que dans le bois pourri, dans certains champignons ou carcasses en décomposition ainsi que sur les excréments, ces cas sont moins fréquents et ne constituent pas les habitats préférentiels de l’espèce (Brunke et al. 2011). L’hiver, ces espèces hibernent pour survivre aux températures plus froides. Les larves, qui éclosent au printemps, partagent le même habitat que les adultes et se nourrissent de diverses larves pontent par d’autres insectes (Arnett et al. 2001).

Au Canada, alors qu’encore bien des espèces demeurent encore inconnues, ce sont 1 048 espèces de la famille des Staphylinidae qui ont été répertoriées, lesquels peuvent occuper un large territoire tel le montre la distribution de l’espèce Platydracus violaceus (Campbell et al. 1991).

Figure 3: Carte de la distribution de Platydracus violaceus à travers le Canada et les Etats-Unis. Publié avec autorisation de l’auteur © Brunke et al. 2011

Identification du spécimen

L’identification du spécimen a été effectuée selon la clé de l’article Staphylinidae of Eastern Canada and Adjacent United States (Brunke et al. 2011). L’identification requiert l’étude de traits subtils ayant permis la distinction de l’espèce parmi la famille des Staphylinidae.

Les figures 4 et 5, annotées, relaient les divers traits caractéristiques ayant permit l’identification du spécimen Platydracus violaceus.

  1. Tout d’abord, l’identification de la sous-famille Staphylininae a été permise grâce à l’absence de coxa postérieur (a).
  2. Ensuite, la combinaison des quelques caractéristiques suivantes a permis de mettre en évidence la tribu Staphilini : les élytres se rencontrant à la ligne médiane du corps (b), un cou large mesurant la moitié de la tête (c) et la base des antennes séparées par une distance plus grande que celle séparant les yeux de la base des antennes (d).
  3. Notre spécimen possédait cinq tarsomères par tarse (e), des palpes maxillaires et labiaux courts (f), des ponctuations sur la surface dorsale du cou (g) et une tête au bout étroit plus large que la moitié de la longueur du pronotum (h). Ces caractéristiques nous ont permis d’identifier la sous-tribu Staphilinina.
  4. Finalement, notre spécimen fait partie du genre Platydracus, car il possède un pronotum ponctué aux angles ronds (i) avec une ligne non ponctuée médiane en son centre (j). De plus, les setae (poils) situés sur les côtés de la tête ne sont pas limités à la moitié antérieure de la tempe (k).
Figure 4. Vue latérale de l’espèce Platydracus violaceus démontrant l’absence de coxa postérieur.
Figure 5. Illustration de l’espèce Platydracus violaceus vue dorsalement  avec identification des structures anatomiques observables. © Illustration et identification réalisée par Virginie Juteau CC BY-NC-ND 4.0

Les caractéristiques les plus remarquables de Platydracus violaceus sont les élytres violets aux reflets métalliques et les poils pâles recouvrant certaines parties de l’abdomen. Il est possible de confondre Platydracus violaceus avec Platydracus viridanus, ce dernier ayant des élytres violets lorsqu’il est exposé à des substances toxiques se trouvant dans des trappes à insectes. Dans le cas de notre spécimen, capturé dans son habitat naturel, aucune exposition à un agent n’a eu lieu. De plus, P. violaceus possède des pattes entièrement noires et un pronotum aussi large que la tête, ce qui n’est pas le cas de P. viridanus (Brunke et al. 2011).

Figure 6. Vue dorsale de l’abdomen de l’espèce Platydracus violaceus ainsi que des poils caractéristiques les recouvrant.

Références:

Arnett Jr, R. H., & Thomas, M. C. (Eds.). (2000). American Beetles, Volume I: Archostemata, Myxophaga, Adephaga, Polyphaga: Staphyliniformia. CRC Press, Boca Raton, FL.

Brunke A., Newton A., Klimaszewski J., Majka C. Et Marshall S. (2011). Staphylinidae of Eastern Canada and Adjacent United States. Key to Subfamilies ; Staphylininae : Tribes and Subtribes, and Species of Staphylinina. Canadian Journal of Arthropod Identification 12., pp.1-111. DOI: 10.3752/cjai.2011.1

Campbell, J.M., Davies, A. (1991). Canadian National Collection of Insects, Arachnids and Nematodes (dernière mise à jour en 2013). Repéré à : http://www.canacoll.org/Coleo/Checklist/PDF%20files/STAPHYLINIDAE.pdf

Chagnon, G. et Robert, A. (1962) .Principaux coléoptères de la province de Québec (2e éd.). Montréal, Canada : Les Presses de l’Université de Montréa

Grebennikov, V. V., & Newton, A. F. (2009). Good-bye Scydmaenidae, or why the ant-like stone beetles should become megadiverse Staphylinidae sensu latissimo (Coleoptera). European Journal of Entomology, 106(2), 275-301

Klimaszewski, J., Newton JR, A. F., & Thayer, M. K. (1996). A review of the New Zealand rove beetles (Coleoptera: Staphylinidae). New Zealand journal of zoology, 23(2), 143-160. DOI: 10.1080/03014223.1996.9518074

Levesque, C., Levesque, G.-Y. (1995). Abundance, Diversity and Dispersal Power of Rove Beetles (Coleoptera : Staphylinidae) in a Raspberry Plantation and Adjacent Sites in Eastern Canada. Journal of the Kansas entomological society, 68(3), 355-370

Cline, A. R. (2011). Checklist of the Beetles of Maine, USA. The Coleopterists Bulletin, 65(4), 364-365.

Newton, A. F., Jr. (1990). Insecta: Coleoptera Staphylinidae adults and larvae. In D. L. Dindal (ed.), Soil Biology Guide. Chap. 38, pp. 1137-1174. John Wiley and Sons, Inc., New York

Paulian, R. (1988). Biology of the Coleoptera. Editions Lechevalier
 
Stork, N. E., McBroom, J., Gely, C., & Hamilton, A. J. (2015). New approaches narrow global species estimates for beetles, insects, and terrestrial arthropods. Proceedings of the National Academy of Sciences, 112(24), 7519-7523.
White, R. E. (1998). The Beetles of North America (Vol. 29). Houghton Mifflin Harcourt.