Sciaphilus asperatus (Bonsdorff 1785)

Sciaphilus asperatus (Bonsdorff 1785)

le charançon bariolé

Par Julie-Christine MARTIN et Élisabeth MÉNARD

 Texte et images © 2014, CC BY-NC-SA 4.0 les auteurs

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Le spécimen a été capturé à la Station de biologie des Laurentides le 4 septembre 2014

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Classification

Ordre : Coleoptera
Sous-ordre : Polyphaga
Famille : Curculionidae
Sous-famille : Entiminae
Tribu : Sciaphilini
Genre : Sciaphilus

Sciaphilus asperatus a été décrit en 1785 par Gabriel Bonsdorff (1762-1831), qui au cours de sa carrière, a enseigné l’histoire naturelle et la médecine vétérinaire ainsi que la physiologie et l’anatomie. Il avait une passion pour la zoologie et possédait une vaste collection d’histoire naturelle comprenant en majorité des spécimens entomologiques. Sa collection, qu’il avait légué à l’université de Turku, a malheureusement été détruite lors d’un incendie en 1827.

Sciaphilus asperatus est classé dans la famille des curculionidés qui forment la plus grande famille d’insecte au monde avec plus de 40 000 espèces. Les curculionidés, communément appelés les charançons, sont des insectes majoritairement phytophages autant chez la larve que l’adulte. Quelques rares espèces sont saprophages. Ils sont caractérisés par leurs mandibules situées à l’extrémité du rostre. Les charançons ont une diversité énorme quant à leurs formes, couleurs et habitats. Plusieurs espèces sont des pestes en agriculture.

Sciaphilus asperatus fait partie de la plus grande sous-famille des curculionidés : Entiminae. Celle-ci comprend des espèces qui sont polyphages, tandis que les autres sous-familles comprennent plutôt des espèces monophages ou oligophages.

Caractères clés

Sciaphilus asperatus, aussi appelé le charançon bariolé, est un insecte mesurant environ 4 à 6 mm. Son corps robuste de couleur brun noir est caractérisé par des élytres larges et arrondis, densément recouverts d’écailles rondes grises jaunâtres avec des reflets métalliques. De plus, les élytres ont dans chacune de leurs inter-stries une rangée médiane distincte de petites écailles minces et érigées. Le pronotum est plus large que long et est lui aussi couvert d’écailles rondes, tout comme la surface de la tête. Il se distingue par ses yeux noirs et ses antennes coudées en angle droit de couleur rougeâtre portant un scape très long. Le rostre est muni d’une carène médiane et est faiblement concave entre le bas de l’oeil et l’insertion de l’antenne. Les insectes du genre Sciaphilus sont aussi caractérisés par l’absence d’humérus élytral.

Distribution géographique

Cinq à six espèces du genre Sciaphilus se retrouvent en Europe. Sciaphilus asperatus a été introduite en Amérique du Nord et c’est la seule espèce appartenant à ce genre qui s’y trouve. Sa distribution va de Terre-neuve au Manitoba et au Michigan et jusqu’au sud en Caroline du Nord. On le trouve aussi à l’ouest, en Colombie-Britannique, en Alberta et en Idaho.

Les premiers enregistrements de cette espèce en Amérique du Nord datent de 1880 au Massachusetts, de 1884 en Nouvelle-Écosse et de 1921 en Colombie-Britannique.

Biologie et comportement

Sciaphilus asperatus est une espèce qui se reproduit par parthénogenèse, c’est-à-dire, un mode de reproduction sexué monoparental à partir d’une gamète femelle non fécondée. Les organismes parthénogénétiques, puisqu’ils n’ont pas besoin de partenaire mâle pour se reproduire, ont tendance à coloniser facilement de nouveaux milieux même lorsque la population d’origine est petite. La plupart des adultes de cette espèce sont des femelles.

Sciaphilus asperatus est un polyphage et se nourrit donc de plusieurs espèces de plantes et non pas d’une seule contrairement à d’autres espèces de curculionidés qui sont très spécifiques quant à leur plante hôte.

Les adultes émergent en juin et s’alimentent la nuit. Pendant la journée, ils restent au sol près de la base des plantes et grimpent sur les feuilles pendant la nuit. Ils sont lents, ne volent pas et se déplacent en marchant. Les oeufs sont pondus groupés dans le sol pendant l’été. Dès la naissance, les larves commencent à se nourrir dans le sol.

Les larves des curculionidés se retrouvent près des racines des plantes hôtes et sont généralement de couleur blanche avec la tête plus foncée, ont une forme incurvée et mesurent jusqu’à 1,3 cm.

Importance économique

Les curculionidés causent beaucoup de problèmes environnementaux, plus précisément dans le monde de l’agriculture. Ils sont aussi très présents dans les milieux forestiers. Ils peuvent se nourrir autant des feuilles, des racines ou des fruits de leurs plantes hôtes. Généralement, les adultes causent d’importants dommages au feuillage, mais les larves s’attaquent plutôt aux racines des plantes.

Sciaphilus asperatus est un charançon de la racine du fraisier. Dans la région Paléarctique, les larves et les adultes sont des pestes des plants de fraises et de framboises. En Amérique du Nord, ses larves font aussi des ravages dans les pépinières forestières, car ils mangent les semis de conifères. En 1934, cette espèce a été retrouvée dans une ferme jardinière en Nouvelle-Écosse endommageant des semis de jeunes choux. De plus, des études en 1977 ont démontré que son alimentation a causé la mort de jeunes érables.

Tous les curculionidés infestent des plantes, mais il est important de savoir qu’ils n’ont pas tous le même cycle de vie et qu’ils ont des tolérances différentes aux pesticides. Il faut donc utiliser plusieurs moyens pour les éliminer d’un territoire. Les pièges généralement utilisés pour les capturer sont le piège fosse, le battoir ou le piège lumineux.

Les curculionidés ne causent aucun dommage aux denrées alimentaires, aux meubles ou boiseries et ils ne sont pas dangereux pour l’humain ou pour les animaux domestiques. Par contre, ils peuvent devenir une nuisance dans les maisons au début de l’été. Par exemple, lors de conditions météorologiques défavorables, ils vont chercher un endroit pour se protéger et ont donc tendance à pénétrer dans les bâtiments qui leurs offrent un environnement humide. Puisqu’ils ne volent pas, ces insectes peuvent réussir à entrer par les fissures du bâtiment ou aussi être emportés à l’intérieur par le déplacement d’une plante. Cette famille peut tout de même être avantageuse pour l’humain puisqu’un bon nombre d’espèces sont utiles grâce à leur capacité à décomposer le bois mort.

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Références

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