Ancistrocerus antilope (Panzer 1798)

Ancistrocerus antilope (Panzer 1798)

Par Arca ARGUELLES-CAOUETTE et Soufiane TAHIR

Texte et photographies ©2015 CC BY-SA 4.0, les auteurs

Le spécimen a été capturé le 3 septembre 2015, aux alentours du Lac Croche, à la Station de Biologie des Laurentides (SBL), à Saint-Hippolyte, Québec, (N 45°59’37.6”: O 73°59’16.7”)

Figure 1: Vue de haut, présence d’une pair de tache jaune sur le scutellum
Figure 1: Vue de haut, présence d’une paire de taches jaunes sur le scutellum

Classification

Ordre : Hymenoptera

Sous-ordre : Apocrita

Famille : Vespidae

Sous-Famille : Eumeninae

Genre : Ancistrocerus

Espèce : Ancistrocerus antilope (Panzer, 1798)

 

Ancistrocerus antilope (Panzer, 1798) est une guêpe maçonne solitaire et prédatrice appartenant à la sous-famille des Eumeninae (Borror et White, 1991). Le genre Ancistrocerus regroupe 171 espèces et la famille des Vespidae 1603 espèces [3].

Cette espèce a été décrite par le physicien et entomologiste allemand Georg Wolfgang Franz Panzer (1755-1829) [11]. Un de ses ouvrages majeurs est le Faunae insectorum germanicae initia (Elements of the German insect fauna) produit en collaboration avec le graveur Jakob Sturm (1755-1829) entre 1796 et 1813 [12]. Plus de 2600 insectes sont présentés en illustrations par Sturm accompagnées de courtes descriptions par Panzer.

L’identification du spécimen

L’identification du spécimen a été possible grâce aux clés d’identification de Dubuc (2007) et du genre d’Ancistrocerus [3]. Pour identifier le genre du spécimen, plusieurs caractéristiques ont été repérées au niveau du pronotum, des antennes, de l’oviscapte, du nombre d’articles du trochanter et la nervation des ailes. La comparaison des métasomas des espèces du genre Ancistrocerus a permis de confirmer l’espèce auquel le spécimen appartenait.

Figure 2: Vue arrière, présence de bandes jaunes sur les tergites, ailes antérieures légèrement teintes
Figure 2: Vue arrière, présence de bandes jaunes sur les tergites, ailes antérieures légèrement teintes

Dans la sous-famille Eumeninae, la taille moyenne des espèces est de 10-20 mm, les tibias médians sont munis d’un seul éperon apical et les mandibules sont allongées «en couteaux». Les ailes antérieures chez la femelle sont entre 7 à 10 mm alors que chez le mâle de 8 à 12,5 mm. Les espèces du genre Ancistrocerus possèdent également une tégula proéminente et pointue.

Figure 3: Vue de côté, présence de tache jaune sur le mésopleuron
Figure 3: Vue de côté, présence de tache jaune sur le mésopleuron

A. antilope se caractérise par la présence de taches jaunes, notamment sur le mésopleuron et d’une paire sur le scutellum, et de bandes jaunes sur les tergites 1 à 4 chez les femelles et 1 à 6 chez les mâles. Les ailes antérieures sont légèrement teintes chez les deux sexes. La tache jaune interantennale est parfois divisée en deux chez les mâles et non chez les femelles.

Figure 4: Vue frontale, présence de tache interantennale
Figure 4: Vue frontale, présence de tache interantennale

A. antilope ressemble beaucoup à l’espèce rare Ancistrocerus spinolae. Cependant, cette dernière est composée de moins de taches jaunes. Elles sont entre autres absentes sur le mésopleuron, la tégula et le scutellum  et les tergites 3 à 5 ne présentent aussi pas de bandes jaunes. Les ailes chez les femelles sont beaucoup plus teintes. Enfin, bien que les deux possèdent des propodéums proéminents, la partie postérieure ventrolatérale est luisante et lisse chez A. antilope alors qu’elle est matte et ponctuée.

La biologie de l’espèce

Aire de répartition et habitat

Ancistrocerus antilope est une espèce holarctique. Elle est ainsi retrouvée en Amérique du Nord, partout au Canada et aux États-Unis, en Europe et en Asie (Cooper, 1953).

A. antilope fabrique son nid dans le bois troué, les tiges d’arbustes et colonisent aussi les nids faits de boue abandonnés par d’autres guêpes [3]. En effet, A. antilope, étant une guêpe maçonne, prépare son nid en construisant des cellules de terre d’environ 7 à 10 mm et les referment avec un opercule de même matière (Cooper, 1953).

Ces guêpes maçonnes sont abondantes à la fin de l’été et se nourrissent du nectar de fleurs comme Anemone canadensis L., Solidago spp., et Viburnum trilobum (Cowan, 1984).

Cycle de reproduction

En été, les femelles se retrouvent souvent autour des fleurs pour y récolter le nectar. Les mâles y sont aussi très présents pour trouver un partenaire et s’accoupler. Ils peuvent rester ensemble pour plus de 80 minutes en copulant plusieurs fois durant cet intervalle de temps avant de se séparer, ce qui n’est pas commun chez les autres Eumeninae (Cowan et Waldbauer, 1984). La femelle pond ensuite ses oeufs et les entrepose dans les cellules de son nid avant d’aller chasser des chenilles appartenant à plusieurs familles différentes qu’elle ramènera pour nourrir les larves. Sa stratégie consiste à les piquer plusieurs fois afin de les paralyser pour ensuite les apporter dans les cellules. De cette manière, elles restent fraîches jusqu’au moment où les œufs éclosent et que les larves puissent s’en nourrir (Cooper, 1953).

Si les oeufs font partie de la génération estivale, ils vont passer par une étape de diapause. Ainsi, les quatre premiers stades larvaires sont spécialisés pour se nourrir et grossir. Le cinquième stade produit son cocon qui peut être incomplet et devient une pré-pupe pour finalement tomber en diapause. Ce n’est qu’au printemps suivant qu’il y a une mue et qu’il y a formation de la pupe pour ensuite devenir adulte (Cooper et Hanover, 1966). Par contre, s’il s’agit de la génération printanière, la diapause n’aura pas lieu et l’adulte, prêt à s’accoupler, sortira du nid une trentaine de jours après son émergence de l’oeuf (Cooper, 1953). Les adultes émergents pourront fragiliser l’opercule de terre avec leurs pièces buccales grâce à un fluide qui humidifiera la terre en boue leur permettant de sortir des cellules (Cooper, 1953).

Association avec une espèce d’acarien

Il a été découvert qu’ A. antilope est étroitement liée avec Kennethiella trisetosa, une espèce d’acarien. Ces derniers, au stade de deutonymphe (stade de développement chez les acariens entre la protonymphe et l’adulte [1]), utilisent la phorésie sur la forme adulte de la guêpe (Cowan, 1984). Les cycles de vie de ces deux organismes ont évolué de façon à être extrêmement liés et K. trisetosa étant très dépendant à son hôte ne semble pas nuisible à l’accomplissement du cycle de vie de ce dernier. En effet, avec la phorésie, la guêpe emporte dans son nid l’acarien dans lequel celui-ci se développera sous sa forme adulte en se nourrissant de la pupe sans causer la mort de la guêpe (Cooper, 1954). À l’éclosion des oeufs, les larves de guêpes femelles tuent les acariens qui se trouvent dans leurs cellules alors que les mâles ne le font pas (Cowan, 1984). Ainsi, les guêpes mâles sortiront du nid avec leur propodéum infesté de K. trisetosa. Par contre, à l’accouplement, environ la moitié des acariens du mâle se transfèreront à la femelle. À partir du propodéum, K. trisetosa parcouriront l’abdomen jusqu’à atteindre les pièces génitales du mâle pour ensuite infester celles de la femelle. Les acariens pourront donc réinfester le nid, dans lequel ils se développeront, lorsque la femelle le construira et y déposera ses oeufs (Cooper, 1954).

Autres

Bien qu’A. antilope appartient à une sous-famille d’espèces solitaires, il a été suggéré que cette dernière possède des prédispositions à l’eusocialité étant étroitement liée à une sous-famille d’espèces sociales, les Vespinae. Des études ont comparé la fréquence de reproduction « consanguine » entre A. antilope et deux espèces proches d’elle: Euodynerus foraminatus et Ancestrocerus adiabatus (Chapman et Stewart, 1996). Les résultats ont révélé une présence importante de «consanguinité» entre les progénitures chez la guêpe maçonne. Il a été suggéré que ce type de reproduction serait un caractère retrouvé chez l’espèce ancestrale des Eumeninae et des Vespinae et expliquerait l’évolution vers l’eusocialité (Chapman et Stewart, 1996).

 

Les références

  1. Blancard, D., 2013. Acariens. (En ligne, page consulté le 28 octobre 2015). Repéré à http://ephytia.inra.fr/fr/C/5091/Tomate-Acariens
  2. Borror, D. J. et White, R. E., 1991. Le guide des insectes du Québec et de l’Amérique du Nord. Canada, Éditions Broquet, 408 p.
  3. Buck, M., Marshall, S. A. et Cheung D. K. B., 2008. Identification Atlas of the Vespidae (Hymenoptera, Aculeata) of the northeastern Nearctic region. Canadian Journal of Arthropod Identification No. 5: 492 pp. (En ligne, page consulté le 1 novembre 2015). Repéré à http://cjai.biologicalsurvey.ca/bmc_05/04a_antilope.html
  4. Chapman, T. W. et Stewart, S. C., 1996. Extremely high levels of inbreeding in a natural population of the free-living wasp Ancistrocerus antilope (Hymenoptera: Vespidae: Eumeninae). Heredity, 76(1): 65-69.
  5. Cooper, K. W., 1953. Biology of Eumenine Wasps I. The Ecology, Predation, Nesting and Competition of Ancistrocerus antilope (Panzer). Transactions of the American Entomological Society, 79(1): 13-35.
  6. Cooper, K. W., 1954. Biology of Eumenine Wasps II. Venereal Transmission of Mites by Wasps, and Some Evolutionary Problems Arising from the Remarkable Association of Ensliniella trisetosa with the Wasp Ancistrocerus antilope. Transactions of the American Entomological Society, 80 (¾): 119-174.
  7. Cooper, K. W. et Hanover, N. H., 1966. Ruptor Ovi, the Number of Moults in Development, and Method of Exit From Masoned Nests. Biology of Eumenine Wasps. VII. Psyche, 73(4): 238-250.
  8. Cowan, D. P., 1984. Life History and Male Dimorphism in the Mite Kennethiella trisetosa (Acarina: Winterschmidtiidae), and its Symbiotic Relationship with the Wasp Ancistrocerus antilope (Hymenoptera: Eumenidae). Annals of the Entomological Society of America, 77(6): 725-732.
  9. Cowan, D. P. et Waldbauer, G. P., 1984. Seasonal occurrence and mating at flowers by Ancistrocerus antilope (Hymenoptera: Eumenidae). Proceedings of the Entomological Society of Washington, 86: 930-934.
  10. Dubuc, Y., 2007. Les insectes du Québec: Guide d’identification. Malaisie: Éditions Broquet, 456 p.
  11. King’s College of London, 2004. PANZER, Georg Wolfgang Franz (1755-1829) and STURM, Jacob (1771 – 1848). (En ligne, page consulté le 1 novembre 2015). Repéré à http://www.kingscollections.org/catalogues/kclca/collection/p/10pa15-1
  12. Overstreet, L. K., 1998. Jacob Sturm. Smithsonian Libraries. (En ligne, page consulté le 1 novembre 2015). Repéré à http://www.sil.si.edu/DigitalCollections/NHRareBooks/Sturm/sturm-introduction.htm