Bothropolys multidentatus (Newport 1845)

Bothropolys multidentatus (Newport 1845)

par Tanguy BERNARD et Steeve MICHAUD

Texte et images ©2017 CC BY-SA 4.0, les auteurs, sauf où précisé autrement

Classification

– Règne: Animalia

   – Sous-règne: Bilateria

      – Infra-règne: Protostomia

         – Super-embranchement: Ecdysozoa

            – Embranchement: Arthropoda

               – Sous-embranchement: Mandibulata

                  – Super-classe: Myriapoda

                     – Classe: Chilopoda

                        – Sous-classe: Anamorpha

                           – Ordre: Lithobiomorpha

                             – Sous-ordre: Lithobiiea

                                 – Super-famille: Lithobioidea

                                    – Famille: Lithobiidae

                                       – Sous-famille: Ethopolyinae

                                          – Genre: Bothropolys

                                             – Espèce: Bothropolys multidentatus (Newport 1845)

Identification

Il est d’abord important de préciser que la classification des chilopodes est très peu étudiée dans le monde, et encore moins au Canada. Il en résulte une certaine confusion au niveau de la nomenclature des ordres et autres rangs inférieurs. Certains auteurs précisent dans leurs travaux la présence d’un grand nombre de synonymes parmi les espèces décrites (Kevan, 1983). L’identification du spécimen c’est effectué au mieux des connaissances actuelles, et le nom de l’espèce indiqué est celui le plus communément accepté et utilisé dans la littérature scientifique.

L’identification de ce myriapode jusqu’à la famille fut l’étape la plus facile de l’identification et, cette étape c’est essentiellement reposé sur la clef d’identification de Kevan et Scudder (1989). Les chilopodes, connus aussi sous les noms cent-pattes ou centipèdes, se distinguent des autres classes de myriapodes par la présence de crocs à venin, nommés forcipules, rattachés au premier segment du corps. Les adultes possèdent 18 segments de tronc ou plus, lesquels portent chacun une paire de pattes sauf le premier et dernier segment.

Les chilopodes sont séparés en deux sous-classes; Anamorpha et Epimorpha. Epimorpha est caractérisé par un nombre de paires de pattes d’un minimum de 21, et comprend les Scolopendrida et les Geophilida. Anamorpha est caractérisé, quant à elle, par 15 paires de pattes (les juvéniles peuvent en avoir moins) et comprend les Scutigerida et les Lithobiomorpha. Le spécimen collecté tombe dans ce dernier ordre puisque; il possède 15 paires de pattes, les tergites ne sont pas fusionnés et il ne possède pas d’œil composé (Figure 1). De plus, il n’y a qu’une seule espèce de Scutigerida au Canada, Scutigera coleoptrata (Linnaeus). (Figure 2)

Figure 1: Ocelles
Figure 2: Scutigera coleoptrata. Photo par Didier Descouens [CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons]

Il n’y a, au Canada, qu’un seul sous-ordre et une seule super-famille de lithobiomorphe; Lithobiiea et Lithobioidea respectivement. De même, il n’y a que deux familles de lithobiomorphes au Canada, Henicopidae et Lithobiidae. Henicopidaea à soit une seule paire d’ocelles, soit aucune. Le spécimen tombe donc dans la deuxième famille avec plus de 15 ocelles de chaque côté (fig. 1) (Kevan & Scudder, 1989).

La suite de l’identification fut plus ardue, étant donné l’inexistence de clef complète allant jusqu’à l’espèce. La clef de George Harold Scott (CDC, 1966) n’indique que deux espèces de lithobiomorphes, Lithobius forticatus (Linnaeus) et Lithobius multidentatus. Ce dernier se distingue par un nombre de segments d’antenne plus petit, entre 19 et 23, ce qui correspond  à notre spécimen avec ses 20 segments. Lithobius multidentatus est une ancienne combinaison de genre et d’épithet spécifique pour ce qui est aujourd’hui connu sous le nom Bothropolys multidentatus.

Cette clef n’est toute fois pas suffisante pour mettre un nom final sur notre spécimen, puisque bien trop simpliste. La clef de Gerald Summers (Summers, 1979), bien que ne prenant en compte que les espèces du nord des États-Unis, s’avère très utile, puisque la plupart des espèces retrouvées dans un état frontière avec le Canada à de bonnes chances de s’y retrouver (Kevan, 1983). Selon cette clef, les pores coxaux séparent notre spécimen de tous les autres centipèdes qui ont: 15 paires de pattes, plus de 7 segments de corps et plusieurs ocelles. En effet, les pores coxaux du genre Bothropolys sont disposés en plusieurs rangées de manière « anarchique ». Tel est le cas pour notre spécimen (fig. 3). La clef ne mentionne qu’une seule espèce de ce genre, Bothropolys multidentatus. Au Canada, le genre est représenté par 5 espèces; B. columbiensis, B. ethus, B. hoples, B. victorianus et B. multidentatus. Les quatre premières sont retrouvées principalement en Colombie-Britannique, tandis que la dernière est retrouvée en Ontario et au Nouveau-Brunswick (Kevan, 1983). Il semble donc probable que cette espèce se retrouve également au Québec.

Figure 3: Pores coxaux sur les quatre dernières paires de pattes

L’identification est aussi confirmée en utilisant une méthode qui utilise les « éperons » (spur en anglais) de la face dorsale ou ventrale des pattes anales. Selon cette méthode Bothropolys multidentatus possède; 1 éperon sur le coxa, 3 éperons sur le préfémur et un éperon sur le fémur sur la face dorsale des pattes anales, donnant la formule 1-3-1. (Summers, 1979) Notre spécimen répond à ce critère. (Fig. 4)

Un autre critère utilisé dans l’identification des lithobiomorphes est celui de la disposition des stigmates. Malheureusement, le spécimen n’était pas en assez bon état pour pouvoir considérer ce critère.

Figure 4: Éperons de la face dorsale des pattes anales de Bothropolys multidentatus.

Cycle de vie

Le mécanisme de la fécondation chez Bothropolys multidentatus n’est pas bien connu, l’accouplement n’ayant jamais été observé chez cette espèce. La principale période d’oviposition se situe entre juin et juillet (Auerbach, 1951), cependant la femelle est capable de déposer des œufs tout au long de l’année, avec un délai de plusieurs jours entre chaque œuf pondu, ce qui permet d’expliquer le fait que de jeunes B. multidentatus soient visibles tout au long de l’année (Albert, 1982). L’éclosion a lieu entre août et début septembre. Les jeunes hibernent en hiver en étant à un stade larvaire avancé (3 ou 4), puis atteignent le stade d’imago vers la fin de l’été ou le début de l’automne (Auerbach, 1951). Les adultes peuvent ensuite vivre jusqu’à 6 ans.

Bothropolys multidentatus vit exclusivement dans les forêts décidues. Comme la plupart des centipèdes, il recherche des endroits sombres et humides, mais n’a pas d’habitat privilégié. On pourra donc aussi bien le trouver sous une pierre, dans un tas de feuilles mortes ou sous l’écorce d’un arbre mort. En hiver cependant, il préfèrera se réfugier à l’intérieur d’une souche en décomposition, le cœur de celle-ci restant humide et offrant une protection contre le froid (Auerbach, 1949).

B. multidentatus est un prédateur qui attrape ses proies à l’aide de ses forcipules, comme la plupart des centipèdes. Son régime alimentaire n’est pas bien connu, cependant on suppose qu’il n’a pas un régime sélectif et qu’il se nourrit de tous les petits arthropodes qui passent à sa portée (Auerbach, 1951).

Figure 5: Tête de Bothropolys multidentatus vue d’en-dessous. Les forcipules (première paire d’appendices transformés en crocs) sont bien visibles. Photo de Steeve Michaud et Tanguy Bernard.

Répartition et importance écologique

Le genre Bothropolys est présent en Amérique du Nord dans une zone comprise approximativement entre 35°N et 50°N (Eason, 1990). Cependant, B. multidentatus n’est présent que dans la partie Nord-Est de cette zone. On le retrouve ainsi dans les forêts décidues du Canada dans les provinces du Nouveau-Brunswick, du Québec et de l’Ontario, et aux Etats-Unis d’Amérique dans les états du Maine, du New Hampshire, du Massachusetts, de New York, de la Pennsylvanie, de l’Ohio, du Michigan et du Wisconsin (Kevan, 1983). Il s’agit de l’une des espèces de Chilopoda les plus présentes dans les forêts humides de l’Est de l’Amérique du Nord (Auerbach, 1951).

Bibliographie

Albert, A.M. (1982). Life cycle of lithobiidae — with a discussion of the r-and K-selection theory, Oecologia, 56(2-3), 1982, pp. 272-279. https://link.springer.com/article/10.1007%2FBF00379701?LI=true

Auerbach, S.I. (1951). The Centipedes of the Chicago Area with Special Reference to Their Ecology, Ecological Monographs, 21(1), 1951, pp. 97-124

Auerbach, S.I. (1949). A Preliminary Ecological Study on Certain Deciduous Forest Centipedes, The American Midland Naturalist, 42(1), 1949, pp. 220-227

Eason, E.H. (1990). On the Taxonomy and Geographical Distribution of the Lithobiomorpha, 8th International Congress of Myriapodology, Innsbruck, Austria, July 15 – 20, 1990. http://www.zobodat.at/pdf/BERI_S10_0001-0009.pdf

Kevan, D. K. McE (1983). A preliminary survey of known and potentially Canadian and Alaskan centipedes (Chilopoda)Canadian Journal of Zoology, 1983, 61(12), 2938-2955. https://doi.org/10.1139/z83-382

Kevan, D.K. McE., & Scudder, G.G.E. (1989) Illustrated keys to the families of terrestrial arthropods of Canada: 1. Myriapods (Millipedes, Centipedes, etc.). Biological survey of Canada (Terrestrial arthropods), Ottawa. p.41-55

Scott, G.H. (1966). Centipedes: Key to some important United States species. Pictorial keys to arthropods, reptiles, birds and mammals of public health significance. U.S. departement of health, education and welfare, chapitre 19, p. 23

Summers, G. (1979). An illustrated key to the Chilopods of the North-central region of the United States. Journal of the Kansas entomological society, 52(4), 1979, pp. 690-700