Ibalia leucospoides (Hochenwarth 1785)

Ibalia leucospoides (Hochenwarth 1785)

Par Vincent LESSARD et Virginie MÉNARD-OUELLETTE

Édité par Étienne Normandin


 

Photo d'Ibalia
Photographie 1 : Spécimen d’Ibalia leucospoides capturé à la Station de Biologie des Laurentides (Photo prise par Vincent Lessard)

Un caractère morphologique qui permet de confirmer l’appartenance à la super-famille des Cynipoidea est l’absence de radicule, c’est-à-dire la portion la plus basale du scape de l’antenne, de forme relativement conique et qui lie l’antenne à la tête. Ce radicule est présent chez toutes les hyménoptères à l’exception des Cynipoidea(2).

 

Figure 1 : Représentation des veines C et R de l’aile antérieure, clairement distinctes l’une de l’autre. (Inspirée de Goulet et al., 1993)
Figure 2 : Vue dorsale du scape de l’antenne, ou on peut voir pas présence (a et b) ou l’absence (c) de radicule. Un examen au microscope de la tête de notre spécimen montre qu’il appartient à la catégorie « c ». (Inspirée de Ronquist, 1995b) (3).

Puis, pour en arriver à la famille des Ibaliidae, nous avons utilisé une clé d’identification des familles de Cynipoidea(1). Les critères qui nous ont permis d’en arriver à la bonne famille sont les suivants :

  • La « cellule R1 » de l’aile antérieure est au moins 9 fois plus longue que large.
    Photographie 1 : Aile antérieure gauche de notre spécimen
    Photographie 2 : Aile antérieure gauche de notre spécimen (Photo prise par Vincent Lessard)

     

     

     

 

 

Figure 3 : Cellule R1 de l’aile (Inspirée de Goulet et al., 1993)
  • Le premier segment du tarse de la patte antérieure est aussi long ou plus long que les autres segments combinés
patte ibalia
Photographie 3 : Ibalia leucospoides où on peut bien voir les segments du tarse. (Photo: Henri Goulet (Agriculture and Agri-Food Canada))
  • Abdomen relativement rectangulaire et fortement compressé latéralement à partir du 2e segment.
Photographie 3 : Vue arrière de notre spécimen. La partie rouge est l’abdomen et on peut voir qu’il est fortement compressé latéralement.
Photographie 4 : Vue arrière de notre spécimen. La partie rouge est l’abdomen et on peut voir qu’il est fortement compressé latéralement. (Photo prise par Vincent Lessard)

En plus de ces critères, il était aussi mentionné que les espèces de la famille Ibaliidae mesurent entre 10mm et 30mm, ce qui est le cas de notre individu qui mesurait environ 16mm. Au contraire, les autres familles de Cynipoidea dépassent très rarement les 15mm.

Afin de déterminer le genre et l’espèce, ce n’est pas difficile puisque le seul genre présent en Amérique du Nord (4) est le genre Ibalia. L’espèce peut être identifiée grâce à une comparaison de la coloration des ailes chez différentes espèces du genre Ibalia que l’on rencontre en Amérique du Nord (4). L’aile ressemblant le plus à celle de l’insecte étudié est celle de Ibalia leucospoides, indiquant qu’il devait s’agir de cette espèce.

Classification :

Règne : Animalia
Embranchement : Arthropoda
Sous-embranchement : Hexapoda
Classe : Insecta
Ordre : Hymenoptera
Sous-ordre : Apocrita (Parasitica)
Super-famille : Cynipoidea
Famille : Ibaliidae
Genre : Ibalia
Espèce : Ibalia leucospoides (Hochenwarth 1785)

L’espèce Ibalia leucospoides serait divisée en deux sous-espèces, soit I. leucouspoides leucospoides (Hochenwarth, 1785) et I. leucospoides ensiger (Norton, 1862). Selon l’identification faite précédemment à l’aide du motif des ailes, il semblerait que l’individu capturé appartienne à la sous-espèce I. l. ensiger puisque l’aile la plus semblable appartient à cette sous-espèce. Cependant, comme nous ne savons pas à quoi ressemble l’aile de I. l. leucospoides, ni même si elle diffère de celle observée, nous ne pouvons affirmer avec certitude la sous-espèce à laquelle appartient notre spécimen. Pour cette raison, le texte qui suit décrira l’espèce Ibalia leucospoides en général, initialement décrite par Hochenwarth en 1785 et incluant les deux sous-espèces.

Biologie de l’espèce :

Ibalia leucospoides est une espèce très présente naturellement en Europe et en Amérique du Nord, alors qu’Ibalia leucospoides ensigner est la sous-espèce retrouvée partout aux États-Unis ainsi qu’au Canada, sauf dans les provinces maritimes et les territoires du Nord (5). Elle est principalement retrouvée dans les forêts de conifères. Les arbres des genres Abies, Cupressus, Libo, Cedrus, Picea et Pinus sont ceux qui sont le plus communs en présence d’I. leucospoides (6).

C’est une espèce qui est parasitoïde, c’est-à-dire qu’elle a besoin d’un autre organisme afin de croitre, mais elle finit par le tuer, contrairement aux parasites qui ne tuent pas leurs hôtes.  Elle pond ses œufs soit sur les œufs de l’hôte en question ou lorsqu’il est à son premier stade larvaire.  Ainsi, les larves d’Ibalia demeurent endoparasites, c’est-à-dire qu’elles vivent et  se nourrissent de l’intérieur de leur hôte, jusqu’à ce que ce dernier atteigne un 3e stade larvaire (6). Ensuite, elles émergent de leur hôte et se nourrissent de ce qui reste de l’extérieur jusqu’à ce qu’elles atteignent elles-mêmes leur stade de nymphe. Elles sont au stade adulte normalement entre le mois d’avril et celui d’octobre, et leur cycle de vie est d’environ 1 an (6). Comme elles font partie de l’ordre des Hyménoptères, elles sont holométaboles, ce qui signifie qu’elles ont une métamorphose complète. Les mâles ont normalement tendance à éclore un peu plus tôt que les femelles.

Les guêpes Ibalia leucospoides ont toutefois un rôle écologique important. En effet, ce sont des parasites des guêpes de bois des genres Sirex, Urocerus, et Xeris (5), qui elles, nuisent énormément aux espèces de conifères cités précédemment. Les guêpes de bois, appelées communément « wood wasp » en anglais, sont en fait diverses familles non reliées d’hyménoptères du sous-ordre Symphyta et dont on retrouve la larve dans le bois (7). Donc, si I. leucospoides s’attaque aux larves et aux œufs des guêpes qui sont des parasites pour ces arbres, elles permettent à ces derniers d’avoir une meilleure croissance avec moins de parasites. À cette fin, elles sont parfois introduites dans des milieux où une espèce invasive fait beaucoup de dommages afin de les minimiser et de protéger la végétation. C’est d’ailleurs le cas en Nouvelle-Zélande, en Australie et en Afrique du Sud, entres autres, où I. leucospoides ensigner a été introduite pour contrôler les populations de Sirex noctilio (Fabricius, 1793) qui causent énormément de dommages dans les plantations de pins (Pinus spp.) (8).

Une fois adultes, les deux sexes d’Ibalia leucospoides diffèrent en quelques points. D’abord, les antennes des femelles possèdent 13 segments alors que celles des mâles n’en possèdent que 11(5). De plus, les femelles ont un oviscapte modifié ressemblant légèrement à un couteau de par sa forme effilée, et qui est rattaché à leur abdomen pour leur permettre de pondre des œufs sur l’hôte. Les mâles et les femelles répondent à différents stimuli, puisqu’ils n’ont pas le même mode de vie. Effectivement, le mâle doit simplement trouver des femelles pour se reproduire, alors qu’une grande partie de la vie adulte des femelles est vouée seulement au maintien de la reproduction, et donc de veiller à ce qu’elle ait une bonne production d’œufs. Elle a donc besoin de se nourrir, soit à partir d’aliments contenant beaucoup de sucre d’origine florale ou bien à partir d’un hôte. La production d’œufs sera différente selon son alimentation. Plusieurs autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte lors du butinage, dont la température, le degré d’humidité, l’intensité lumineuse ainsi que le vent (9). En ce qui concerne la reproduction, elle se produit immédiatement après l’émergence des femelles adultes. Les mâles émergeant plus tôt, ils ont le temps de trouver un site d’émergence de femelles, et lorsque c’est fait, ils frottent leurs antennes sur celles de la femelle. Si cette dernière accepte le mâle, une copulation de deux à trois minutes s’ensuit (10).

Comme plusieurs autres insectes, Ibalia leucospoides communique avec son environnement grâce au toucher, mais surtout grâce à son odorat (antennes) et aux différentes interactions chimiques . Le butinage dépend surtout de l’odorat de la guêpe. Aussi, pour la ponte des œufs, Ibalia leucospoides ensigner est sensible aux différents composés volatils émanant du venin de Sirex noctilio, ce qui l’aide énormément pour les localiser. De plus, S. noctilio forme une symbiose obligatoire avec un champignon nommé Amylostereum areolatum, champignon duquel émane aussi des composés volatils qui aideraient la femelle I. leucospoides à trouver un arbre hôte où pondre ses œufs (5). Lors de la ponte, la femelle insère son ovipositeur dans un « tunnel » dans le bois et dans lequel l’hôte a pondu ses œufs. Si I. leucospoides trouve un œuf ou une larve à ses premiers stades, elle pondra un œuf à l’intérieur de son hôte. Le cycle de vie complet de cette espèce peut durer entre un an et 3 ans, selon l’espèce hôte choisie ou selon l’espèce d’arbre hôte (10).

Références:

  1. Goulet, H., Huber, J. T., & Branch, C. A. C. R. (1993). Hymenoptera of the World: An Identification Guide to Families. Agriculture Canada.
  1. Ronquist, F. (1999). Phylogeny, classification and evolution of the Cynipoidea. Zoologica Scripta, 28(1-2), 139–164. Repéré à http://doi.org/10.1046/j.1463-6409.1999.00022.x
  1. Ronquist, F. (1995). Phylogeny and early evolution of the Cynipoidea (Hymenoptera). Systematic Entomology, 20(4), 309–335. Repéré à http://doi.org/10.1111/j.1365-3113.1995.tb00099.x
  1. Entomological Society of Washington, (1992). Proceedings of the Entomological Society of Washington. (Vol. v 94 1992). Washington, etc. : Entomological Society of Washington. Repéré à http://www.biodiversitylibrary.org/item/54937
  1. Robertson, D. J. (2014). CHEMICAL ECOLOGY OF IBALIA LEUCOSPOIDES ENSIGER. Repéré à http://doi.org/10.13140/RG.2.1.2799.8886
  1. Robertson, D. J. & Gandhi, K. J. K. Ibalia leucospoides ensigner [En ligne]. Repéré à http://www.biocontrol.entomology.cornell.edu/parasitoids/ibalia.php
  1. Wood wasp. (s. d.). Dans Wikipédia, l’encyclopédie libre. Repéré le 24 octobre 2015 à https://en.wikipedia.org/wiki/Wood_wasp
  1. Van Noort, S. (2004). Ibalia leucospoides (Hochenwarth) [En ligne]. Repéré à http://www.waspweb.org/Cynipoidea/Ibaliidae/Ibalia/Ibalia_leucospoides.htm
  1. Pietrantuono, A. L., Fernández-Arhex, V., Jofré, N., & Corley, J. C. (2012). Food and Host Searching Decisions Made by Ibalia leucospoides (Hymenoptera: Ibaliidae), a Parasitoid of Sirex noctilio (Hymenoptera:Siricidae). Journal of Insect Behavior, 25(4), 320–327. Repéré à http://doi.org/10.1007/s10905-011-9301-9
  1. Bryant, P. W. (2010). Kairomonal attraction of the parasitoid ibalia leucospoides (hymenoptera: Ibaliidae) to volatiles of the fungus amylostereum areolatum, an obligate symbiont of the european woodwasp, sirex noctilio (Ph.D. diss., State University of New York College of Environmental Science and Forestry, Syracruse, NY). Récupéré à http://search.proquest.com/docview/861747539?accountid=12543