Oxyporus vittatus Gravenhorst 1802

Oxyporus vittatus Gravenhorst 1802

Par Delphine Bozino et Mirabelle Miron

Le spécimen a été capturé le 3 septembre 2015 à la Station des Laurentides de Saint-Hippolyte en milieu humide près du Lac Geai. Thomas Théry  a collecté le spécimen sur un champignon qu’il a identifié comme étant du genre Leccinum. Il est possible de recueillir des spécimens d’avril à octobre, mais surtout en automne puisque c’est alors qu’ils sont plus nombreux (Leschen et Allen, 1988).

Préparation et identification du spécimen

Compte tenu de la petite taille de notre spécimen, celui-ci a été préparé sur une épingle et collé au bout d’un triangle de papier (voir la figure 1).

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Fig. 1: préparation du spécimen à l’aide d’un triangle de papier sur aiguille ©2015 CC BY-SA 4.0, les auteurs

Son identification, (ordre Coleoptera, famille Staphylinidae (rove beetles)) a été déterminée grâce au guide d’identification « Les Insectes du Québec » (2014) et le genre Oxyporus, grâce au site Bugguide.net. Nous avons pu accéder à la collection entomologique Ouellet-Robert, de l’Institut de Recherche en Biologie Végétale et ainsi trouver l’espèce en se fiant aux caractères suivants: la taille, le thorax court, le motif des taches noires et les derniers segments abdominaux noirs. Toutefois, c’est la forme du thorax qui a permis de discriminer O. vittatus de O. lateralis.

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Fig. 2: Photo d’une section de tiroir de la collection entomologique Ouellet-Robert où sont rassemblés des spécimens d’Oxyporus vittatus ©2015 CC BY-SA 4.0, les auteurs

Classification

Règne: Animalia
Embranchement: Arthropoda
Classe: Insecta
Ordre: Coleoptera
Sous-ordre: Polyphaga
Super-famille: Staphylinoidea
Famille: Staphylinidae
Sous-famille: Oxyporinae
Genre: Oxyporus Fabricius 1775
Espèce: Oxyporus vittatus Gravenhorst 1802

En Amérique du Nord, il existe deux sous-espèces: O. vittatus vittatus (surtout retrouvé au nord des État-Unis) et O. vittatus bicolor (plus au sud) (Leschen et Allen, 1988). On les retrouve dans le nord-est de l’Amérique du Nord (Campbell 1969).

Morphologie

Peu est connu sur l’écologie et la morphologie des Oxyporinés (Leschen et Allen, 1988), mais une brève observation des spécimens de la collection a permis une description générale de ceux-ci. Le corps d’Oxyporus vittatus est luisant et robuste (Evans, 2014) et la coloration de la tête varie d’un spécimen à l’autre (entre le brun-orangé et le noir). Chagnon et Robert (1962) décrivent dans leur clé d’identification des Oxyporinés que O. vittatus est reconnaissable à ses élytres roux, ses taches noires sur la marge latérale et à la suture des élytres noire. Les premiers segments de l’abdomen sont brun-orangé ou noirs, mais l’espèce est caractérisée par les tergites noirs (segments de l’abdomen) à la fin de l’abdomen.

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Fig. 2: Oxyporus vittatus ©2015 CC BY-SA 4.0, Étienne Normandin
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Fig. 3: Caractéristiques présentes chez le spécimen ©2015 CC BY-SA 4.0, les auteurs

 

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Fig. 4: tête d’Oxyporus vittatus ©2015 CC BY-SA 4.0, les auteurs


Une vie étroitement liée aux champignons!

Les Oxyporus sont mycophages, ils se nourrissent de champignons sur l’ensemble de son cycle vital. À la fois les larves et les adultes peuvent être capturées dans les cavités internes de champignons au corps charnu. Ces champignons font partie de 3 ordres de la classe des Hymenomycetes: Agaricale, Boletale, Polyporale (Hanley et Goodrich, 1995). À l’état adulte, certaines espèces, dont O. vittatus, sont généralistes, c’est-à-dire qu’ils vont se nourrir de plusieurs espèces de champignons et ceci survient principalement lorsque le cycle de vie des hôtes (champignons) est imprévisible. D’ailleurs, O.vittatus  a été observésur 17 genres (93% sur 8 genres) de 8 familles de champignons différents (Hanley et Goodrich, 1995). Les Oxyporus peuvent aussi être spécialisés et ceci survient lorsque l’hôte a un cycle suffisamment long (Hanley et Goodrich, 1995). Cependant, toutes les larves d’Oxyporus sont spécialistes puisqu’elles ne prendront pas le risque de se déplacer d’un champignon à l’autre

Tout comme leurs hôtes, les Oxyporinés ont un court cycle de vie pouvant durer en moyenne 17 jours (à 22°C) entre l’éclosion et le stade adulte (Leschen et Allen (1988). Comparativement, les autres staphylinidés ont généralement un cycle beaucoup plus long (Hanley et Goodrich, 1995).

Après l’accouplement des adultes, la femelle va partir à la recherche d’un bon hôte pour sa progéniture. Les oeufs seront déposés dans les lamelles ou dans la partie charnue du champignon. Ceux-ci sont blancs, cylindriques et d’une longueur de 1,5mm. Après l’éclosion, les larves se regroupent et tracent des tunnels à travers le champignon. Après un certain temps, les larves finissent par se nourrir de façon plus individuelle (Leschen et Allen 1988). Les individus s’alimentent en découpant le champignon, puis en utilisant un liquide de digestion pré-oral contenant certaines enzymes (Hanley et Goodrich, 1995). Elles peuvent se nourrir de l’ensemble du champignon (pileus, mycéllium et pied). O. vittatus passe par trois stades larvaires à forme allongée avant d’atteindre sa forme adulte. 

À la fin du stade larvaire, celle-ci se glisse au dehors du champignon pour faire sa nymphe. Ce nouvel état prendra fin 8 jours plus tard, où l’adulte prendra forme (Hanley et Goodrich, 1995). 

Un peu plus sur le genre Leccinum

Comme mentionné précédemment, le spécimen  a été retrouvé sur un champignon du genre Leccinum (voir la photo ci-dessous). Celui-ci se retrouve dans divers types de forêts, et souvent en symbiose avec les arbres (Kuo, 2007). Cette espèce fait partie du groupe des bolets, ce genre est représenté par des espèces au corps charnu et au pied cylindrique. Le dessous du chapeau est parsemé de petits trous donnant sur des tubes (Lang, 2012), dans lesquels O. vittatus peut se retrouver étant donné son mode de vie. 

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Fig. 6: Champignon du genre Leccinum © Can Stock Photo Inc. / [ibogdan]
Références

Chagnon, G. et Robert, A. (1962) Principaux coleopteres de la province de quebec (2e éd.). Montreal, Canada : Les Presses de l’Université de Montréal.

Dubuc, Y. (2014). Les Insectes du Québec, guide d’identification. Saint-Constant, Canada.

Klimaszewski, R. A. (2012). Biosystematics and Ecology of Canadian Staphylinidae (Coleoptera) II. Sofia, Bulgaria : ZooKeys.

Kuo, M. (2007). The MushroomExpert.Com Web site. Repéré à http://www.mushroomexpert.com/leccinum.html

Lang, A. (2012). Le petit guide Hachette des champignons. Vanves, France : Hachette Pratique.

Richard A. B. Leschen, & Allen, R. T. (1988). Immature Stages, Life Histories and Feeding Mechanisms of Three Oxyporus spp. (Coleoptera: Staphylinidae: Oxyporinae). The Coleopterists Bulletin, 42(4), 321–333. Retrieved from http://www.jstor.org/stable/4008460

Rodney S. Hanley, & Michael A. Goodrich. (1995). Review of Mycophagy, Host Relationships and Behavior in the New World Oxyporinae (Coleoptera: Staphylinidae). The Coleopterists Bulletin, 49(3), 267–280. Retrieved from http://www.jstor.org/stable/4009146

Ross, H.A. et Thomas, M.C. (2002) Amerian Beetles: Archostemata, Mysophaga, Adephaga, Polyphaga: Staphyliniformia (1st Ed.). Boca Raton, États-Unis : CRC Press.

Oxyporus vittatus, Staphylinidae, Coleoptera, Leccinum, Université de Montréal, BIO2440, insecte