Rhyssa lineolata (Kirby 1837)

Rhyssa lineolata (Kirby 1837)

Par Francis Banville et Philippe Maisonneuve

Le spécimen a été capturé en plein vol au filet fauchoir le 1er septembre 2016 à la Station de biologie des Laurentides le long du sentier forestier menant au lac Corriveau.

Photos non-citées réalisées par Francis Banville et Philippe Maisonneuve


Classification

Embranchement : Arthropoda

Sous-embranchement : Hexapoda

Classe : Insecta

Ordre : Hymenoptera

Superfamille : Ichneumonoidea

Famille : Ichneumonidae

Sous-famille : Rhyssinae

Tribu : Rhyssini

Genre : Rhyssa

Espèce : Rhyssa lineolata (Kirby, 1837)


Identification

L’identification de cette guêpe parasitoïde peut s’avérer particulièrement ardue en raison du caractère très diversifié de la famille des Ichneumonidae. En effet, la liste des noms d’espèces appartenant à ce groupe taxonomique s’étend sur près de 1 600 pages (Yu & Hortsmann, 1997). De plus, les clés d’identification qui y sont associées ont souvent recours à des critères nécessitant une connaissance pointue de la morphologie des insectes.

Tout d’abord, on remarque que les ailes antérieures sont plus grandes que les ailes postérieures. L’insecte possède aussi une taille de guêpe bien visible séparant le thorax du gastre. Ces deux indices nous orientent vers l’ordre des hyménoptères. Seuls quelques critères sont requis pour déterminer la super-famille. Chez les Ichneumonoidea, le trochanter des pattes métathoraciques est bi-segmenté, les antennes comptent au moins 16 segments et, chez les femelles, l’ovipositeur est souvent au moins aussi long que le corps de l’insecte (BugGuide, 2013-2016).

Vient ensuite l’identification de la famille.  Les Ichneumonidae ont généralement des antennes au moins aussi longues que la moitié de leur corps. Ledit corps mesure en général entre 3 et 40 mm (BugGuide, 2003-2016).

Figure 1. Antennes au moins aussi longues que la moitié du corps

Certaines espèces d’Ichneumonidae peuvent parfois être confondues avec des Braconidae. Une observation rapide de la nervation de l’aile antérieure permet de confirmer l’identification. Si l’aile comporte une cellule rectangulaire et une petite nervure incomplète émanant du coin du rectangle et pointant vers la partie antérieure de l’insecte, il s’agit bel et bien d’un Ichneumonidae (Washington State University, 2016).

Figure 2. Cellule rectangulaire au centre de l’aile antérieure

L’identification des Ichneumonidae à la sous-famille est une tâche particulièrement ardue, car elle nécessite absolument l’utilisation d’une clé d’identification passablement longue et complexe. À cette étape, la consultation d’une banque de spécimens comme celle de la collection entomologique Ouellet-Robert (QMOR) peut s’avérer être un moyen rapide de cibler certaines sous-familles et d’en éliminer d’autres. La clé d’identification de David Wahl de l’American Entomological Institute permet de déterminer que le spécimen appartient à la sous-famille Rhyssinae. Cette clé nécessite par contre la vérification de près de 60 critères différents. Deux critères clés permettent néanmoins d’identifier les Rhyssinae avec un bon degré de certitude. Le premier est la présence de nombreuses crêtes transversales au niveau du mésoscutum (la portion antérieure et dorsale du mésothorax).

Figure 3. Crêtes transversales au niveau du mésoscutum
Auteur : Ian Gauld et David Wahl
Licence : CC BY-NC 2.5

Parmi les Ichneumonidae, seules les Rhyssinae et les espèces du genre Pseudorhyssa possèdent ce caractère. Pour s’assurer que le spécimen appartienne bel et bien aux Rhyssinae, on doit s’assurer qu’il ne possède pas de sillons antérolatéraux au niveau du mésothorax.

L’identification au genre peut se faire sur la base de deux critères (American Entomological Institute, 2014). Le premier est la présence d’un areolet (petite cellule circulaire formée  par les nervures) sur les ailes antérieures.

Figure 5. Areole présente sur l'aile antérieure
Figure 5. Areolet présent sur l’aile antérieure
Auteur : Ian Gauld et David Wahl
Licence : CC BY-NC 2.5

Le second critère nécessite d’observer le clypéus de l’insecte. Lorsque des tubercules (petites excroissances) sont présents en position centrale, on peut confirmer qu’il s’agit bien du genre Rhyssa.

Figure 6. Tubercules sur le clypéus en position centrale
Auteur : Ian Gauld et David Wahl
Licence : CC BY-NC 2.5

L’identification à l’espèce de notre spécimen fut plutôt difficile puisqu’aucun spécimen de Rhyssa lineolata ne figurait dans la collection Ouellet-Robert. Selon les avis concertés d’une experte des hyménoptères de l’Université d’Ottawa et d’Étienne Normandin, coordonnateur de la QMOR, il s’agirait de Rhyssa lineolata, qui est l’une des seules espèces de Rhyssa à posséder de larges bandes blanches à l’extrémité des antennes. De plus, le lieu de capture du spécimen concorde avec la répartition géographique de cette espèce.

Figure 7. Bandes blanches à l’extrémité des antennes

Habitat et distribution géographique

C’est au début du Crétacé, il y a 145 millions d’années, que se seraient manifestées les premières espèces d’Ichneumonidae (Encyclopedia of Life). Celles-ci peuplaient probablement le territoire occupé par la Sibérie actuelle (Townes, 1973). De nos jours, cette famille particulièrement diversifiée d’hyménoptères est présente sur tous les continents, particulièrement dans les milieux chauds tels l’île de Madagascar ou les Iles Fidji.

En Amérique, à l’exception de deux genres (Rhyssa et Epirhyssa), toutes les espèces de Rhyssinae sont exclusives à l’hémisphère nord. En Honduras, par exemple, une seule espèce de Rhyssa subsiste en milieux montagneux. Par ailleurs, il a été démontré qu’une diversité en espèces de plantes dans la forêt amazonienne était favorable à la richesse en Rhyssa du territoire (Gauld et Wahl, 2002). En Amérique du Nord, on retrouve une diversité notoire de Rhyssinae dans les forêts feuillues du nouveau continent. Rhyssa lineolata y est d’ailleurs très répandue. On la retrouve en effet dans cinq provinces canadiennes et vingt-deux États américains. Elle a également été identifiée en Nouvelle-Zélande (Hymenoptera – Ichneumonoidea, 1997-2012).


Écologie et comportement

Les Ichneumonidae sont des parasitoïdes, c’est-à-dire qu’elles se développent à l’intérieur ou par-dessus un hôte, dont la mort constitue le retentissement sévère de la symbiose (Encyclopedia of Life). En particulier, les individus de la sous-famille Rhyssinae se sont spécialisés sur les larves de Siricoidea, reconnues pour les dommages considérables qu’elles causent à certaines espèces d’arbres. Les femelles forment souvent des attroupements près des arbres contaminés, utilisant leur ovipositeur afin d’y creuser, quelques minutes durant, un trou susceptible de rejoindre l’une de ces larves. Les proies ainsi vulnérables, elles se feront piquer et paralyser par les guêpes, qui profiteront de cette occasion pour déposer un œuf de grande taille sur l’hôte qu’elles auront ciblé. L’éclosion survient rapidement, suivie par la consommation graduelle de la larve, qui sera réduite à ses structures non comestibles. C’est pourquoi les Rhyssinae sont considérées comme des ectoparasitoïdes idiobiontes. L’achèvement de l’ingestion de la défunte marquera le début de la formation du cocon et, chez plusieurs espèces, celui de la métamorphose complète. À des fins reproductives, les mâles émergent de l’arbre une journée ou deux avant les femelles, attendant en essaim la sortie d’une partenaire. Dans les régions tempérées nordiques, ce sont les familles Siricidae et Xiphydriidae qui sont utilisées comme environnement propice au développement des Rhyssinae. Ces derniers peuvent en outre disposer d’autres parasitoïdes de ces familles pour assurer la croissance de leur progéniture (Gauld et Wahl, 2002).

Sirex noctilio est une Siricidae récemment introduite en Amérique du Nord. Cette espèce est connue notamment pour les dégâts importants qu’elle inflige aux pins. Elle contribue en effet à la hausse de la mortalité des arbres du genre Pinus. L’accroissement de sa population soulève de ce fait certaines inquiétudes économiques, dont l’envergure pourrait être amenuisée par une stratégie de lutte efficace contre cet insecte.  Rhyssa lineolata fait partie de l’un de ses plus importants parasitoïdes. Sous certaines conditions, l’espèce à laquelle notre spécimen appartient pourrait donc s’avérer être un agent de lutte biologique efficace pour freiner la progression du parasite nuisible aux espaces forestiers. En Ontario, par exemple, son utilisation pourrait bénéficier au pin gris (Pinus banksiana) et au pin sylvestre (Pinus sylvestris), deux espèces touchées par ce fléau. De façon plus générale, une dizaine d’espèces de conifères pourraient être protégées de cinq espèces de Siricidae en Amérique du Nord, si Rhyssa lineolata était utilisée en lutte biologique (Coyle & Gandhi, 2012).

sirex-noctilio
Figure 8. Sirex noctilio
Auteur : Chris Standley
Licence : CC BY-NC 2.0

Références

BugGuide.Net. (2003-2016). Family Ichneumonidae – Ichneumon Wasps. Repéré à : http://bugguide.net/node/view/150

BugGuide.Net. (2003-2016). Superfamily Ichneumonoidea – Braconids and Ichneumons. Repéré à : http://bugguide.net/node/view/14971

Coyle, D.R. & Gandhi, K.J.K. (2012). The Ecology, Behavior, and Biological Control Potential of Hymenopteran Parasitoids of Woodwasps (Hymenoptera: Siricidae) in North America. Environmental  Entomology. 41(4), 731-749.

Encyclopedia of Life. Ichneumonidae. Repéré à : http://eol.org/pages/703/overview

Encyclopedia of Life. Ichneumonoidea. Repéré à : http://eol.org/pages/660/overview 

Hymenoptera – Ichneumonoidea. (1997-2012). Rhyssa lineolata. Repéré à  : http://www.taxapad.com/local.php?showpage=taxonomy

Gauld I. and Wahl D. (2002). The American Entomological Institute. (2002). Subfamily Rhyssinae. Repéré à : http://www.amentinst.org/GIN/Rhyssinae/

Genera Ichneumonorum Nearcticae. 2014 (and updates). Version: 2014.09.04. http://www.amentinst.org/GIN/. Wahl D Key to genera of Nearctic Rhyssinae (Hymenoptera: Ichneumonidae). Repéré à : http://www.amentinst.org/GIN/Keys/Rhyssinae/Key%20to%20genera%20of%20Nearctic%20Rhyssinae%202014.09.04.pdf

Genera Ichneumonorum Nearcticae. 2015 (and updates). Version: 2015.04.10. http://www.amentinst.org/GIN/.Wahl D. Key to the Subfamilies of North and Central American Ichneumonidae: Section 4. Repéré à : http://www.amentinst.org/GIN/Subfamily_Key/Subfamily_key_4_2016.07.01.pdf

Townes, H.K. (1973). Two ichneumonids (Hymenoptera) from the Early Cretaceous. Proceedings of the Entomological Society of Washington, 75, 216-219.

Yu, D. S. & Hortsmann, K. (1997). A catalogue of world Ichneumonidae (Hymenoptera). Memoirs of the American Entomological Institute, 58, 1558.

Washington State University. (2016). Ichneumonid wasps. Repéré à : http://jenny.tfrec.wsu.edu/opm/displaySpecies.php?pn=920